1 Il était au pays de Hus un homme du nom de Job. Et cet homme était parfait et droit, craignant Elohim et fuyant le mal.
2 Et il lui naquit sept fils et trois filles.
3 Il avait sept mille brebis et trois mille chameaux, cinq cents paires de bœufs et cinq cents ânesses, et un personnel fort nombreux ; et cet homme était plus considérable que tous les fils de l'Orient.
4 Or ses fils avaient coutume de festoyer, à jour dit, à la maison de chacun d'eux ; et ils envoyaient inviter leurs trois sœurs à manger et à boire avec eux.
5 Sitôt le cycle de leurs festins terminé, Job envoyait pour qu'ils se préparassent ; puis il se levait de grand matin et offrait des holocaustes pour chacun d'eux, car Job se disait : “Peut-être mes fils ont-ils péché et maudit Elohim en leur cœur !” Ainsi faisait Job toujours.
6 Il advint un jour que les fils d'Elohim vinrent se présenter devant Yahweh, et le Satan vint aussi avec eux.
7 Et Yahweh dit au Satan : “D'où viens-tu ?” Et le Satan répondit à Yahweh et dit : “De parcourir la terre et m'y promener.”
8 Et Yahweh dit au Satan : “As-tu pris à cœur mon serviteur Job ? Il n'a point son pareil sur la terre : c'est un homme intègre et droit, craignant Elohim et se détournant du mal.”
9 Et le Satan répondit à Yahweh et dit : “Est-ce gratuitement que Job craint Elohim ?
10 N'as-tu pas mis haie vive autour de lui, autour de sa maison, et de ce qui est à lui à la ronde ? L'œuvre de ses mains, tu l'as bénie, et son troupeau a surabondé dans le pays.
11 Mais veuille étendre ta main et frapper tout ce qui est à lui ! Tu verras s'il ne te maudit pas à ta face.”
12 Et Yahweh dit au Satan : “Voici tout ce qui est à lui dans ta main ! Sur lui seulement n'étends pas la main !” Et le Satan se retira de devant Yahweh.
13 Il advint un jour que ses fils et ses filles étaient à manger et à boire du vin dans la maison de leur frère aîné.
14 Survint un messager vers Job et il dit : “Les bœufs étaient à labourer et les ânesses à paître à côté d'eux.
15 Quand des Sabéens se sont jetés dessus, ils les prirent et ils passèrent les serviteurs au fil de l'épée. Et je me suis échappé, moi seul, pour te l'annoncer !”
16 Celui-ci parlait encore qu'un autre arriva et dit : “Le feu d'Elohim est tombé des cieux ; il a embrasé les brebis et les serviteurs et il les a dévorés. Et je me suis échappé, moi seul, pour te l'annoncer !”
17 Celui-ci parlait encore qu'un autre survint et dit : “Les Chaldéens ont fait trois bandes, se sont jetés sur les chameaux, les ont pris et ont passé les serviteurs au fil de l'épée. Et je me suis échappé, moi seul, pour te l'annoncer !”
18 Celui-ci parlait encore, qu'un autre survint et dit : “Tes fils et tes filles étaient à manger et à boire du vin dans la maison de leur frère aîné.
19 Et voici qu'un grand vent arriva du côté du désert et a saisi les quatre coins de la maison : elle tomba sur les enfants et ils moururent. Et je me suis échappé, moi seul, pour te l'annoncer !”
20 Alors Job se leva et déchira son manteau. Et il se rasa la tête, se jeta à terre et se prosterna.
21 Et il dit : “Nu je suis sorti du sein de ma mère et nu j'y retournerai ! Yahweh a donné et Yahweh a repris ; que le nom de Yahweh soit béni !”
22 En tout cela Job ne pécha pas et à Elohim ne prêta paroles insensées.
1 Il advint un jour que les fils d'Elohim vinrent se présenter devant Yahweh, et le Satan vint aussi avec eux pour se présenter devant Yahweh.
2 Et Yahweh dit au Satan : “D'où viens-tu ?” Et le Satan répondit à Yahweh et dit : “De parcourir la terre et m'y promener !”
3 Et Yahweh dit au Satan : “As-tu pris à cœur mon serviteur Job ? Il n'a point son pareil sur la terre : c'est un homme intègre et droit, craignant Elohim et se détournant du mal. Et encore il demeure attaché à sa perfection et tu m'as excité contre lui pour le perdre sans raison.”
4 Le Satan répondit à Yahweh et dit : “Peau pour peau ! Tout ce qui est à l’homme, il le donne pour sa vie.
5 Mais veuille étendre ta main, et touche à son os et à sa chair ! et sûr qu'il te [maudira] à ta face !”
6 Et Yahweh dit au Satan : “Le voici en ta main ! Garde-le-lui seulement la vie !”
7 Alors le Satan sortit de devant Yahweh et il frappa Job d'un ulcère malin de la plante du pied au sommet de la tête.
8 Alors Job prit un tesson pour se gratter et il était assis au milieu de la cendre.
9 Et sa femme lui dit : “Tu demeures encore attaché à ta perfection ? [Maudis] Elohim et meurs !”
10 Et il lui dit : “Comme parlerait une des femmes folles, tu parles ! Si d'Elohim, nous acceptons le bien, n'accepterons-nous pas aussi le mal ?” En tout cela Job ne pécha point par ses lèvres.
11 Trois amis de Job apprirent tout ce malheur qui lui était survenu et ils vinrent chacun de son pays. Eliphaz de Théman, Bildad de Shouah et Sophar de Naama. Et ils convinrent ensemble d'aller le plaindre et le consoler.
12 Ils levèrent leurs yeux de loin et point ne le reconnurent. Alors ils élevèrent la voix et se mirent à pleurer ; ils déchirèrent chacun son manteau et ils jetèrent de la poussière sur leur tête vers le ciel.
13 Puis ils s'assirent à terre près de lui sept jours et sept nuits et ils ne lui disaient rien, car ils voyaient que sa douleur était très grande.
1 Ensuite Job ouvrit la bouche et maudit son jour.
2 Et Job commença à parler et dit :
3 Périsse le jour où je suis né ! - et la nuit qui dit : “Un homme est conçu !”
4 Que ce jour soit ténèbres : - et que d'en haut Eloah n'en ait souci - et que ne brille sur lui nulle lumière !
5 Que le souillent ténèbres et ombre : - que sur lui se pose la nuée, - que l'épouvante l'obscurcissement !
6 Cette nuit, que noirceurs s'en emparent : - qu'elle ne se joigne pas aux jours de l'an, - dans le compte des mois qu'elle n'entre pas !
7 Cette nuit qu'elle soit âpre, - que n'y vienne point l'allégresse !
8 Maudite soit-elle de ceux qui maudissent le jour, prompts à réveiller Léviathan !
9 Que s'obscurcissent les étoiles de son aube : - qu'elle espère en vain la lumière ! - qu'elle ne voit les cils de l'aurore !
10 Pour n'avoir point fermé le sein qui me conçut - et n'avoir point caché la misère à mes yeux !
11 Pourquoi ne suis-je pas mort dès le sein ; - pourquoi ne suis-je pas mort dès ma naissance ?
12 Pourquoi donc des genoux m'ont-ils reçu, - pourquoi deux mamelles m'ont-elles allaité ?
13 Car maintenant je serais couché tranquille, - et je dormirais en repos !
14 Proche des rois et des princes de la terre, - qui se bâtissaient des demeures solitaires ;
15 Ou des grands qui possédaient l'or, - et remplissaient d'argent leurs demeures !
16 Ou pourquoi ne fus-je pas comme avorton caché, - comme les petits qui n'ont pas vu le jour ?
17 Là les méchants cessent tout tumulte, - et s'arrêtent au repos les exténués ;
18 Là même, les prisonniers sont en paix : - et n'entendent plus les clameurs des chefs de corvée ;
19 Petits et grands sont pareils, - et le serviteur est soustrait à son maître !
20 Pourquoi donne-t-il lumière aux malheureux, - et jours de vie aux âmes dans l'amertume ?
21 A ceux qui attendent la mort mais en vain, - et la cherchent plus que fouilleurs de trésors,
22 Transportés de joie - et qui exultent en trouvant une tombe,
23 A un homme dont la route est cachée - et qu'Eloah a enclos de toutes parts !
24 Comme pain, voici mon gémissement, - pareilles à l'eau ruissellent mes plaintes ;
25 Je crains ma propre crainte, et elle tombe sur moi, - et ce que je redoute m'arrive :
26 Jamais je ne suis tranquille, jamais de calme, - jamais je ne n'ai de repos et sur moi fond le tourment !
1 Eliphaz de Théman prit la parole et dit :
2 Oserait-on te dire un mot ? Tu es déprimé ! - Mais qui pourrait se taire ?
3 Voilà que tu morigénais les autres - et que tu réconfortais les mains débiles :
4 Tes paroles redressaient qui chancelle, - et tu affermissais les genoux qui ployaient !
5 Maintenant t'en vient-il autant, et tu es déprimé, - maintenant le coup t'atteint et tu es terrifié !
6 Ta crainte n'est-elle pas ta confiance ? - Et la rectitude de ta voie, ton espoir ?
7 Souviens-toi donc ! Quel innocent a péri ? - Et où les justes ont-ils été détruits ?
8 Comme je l'ai vu, ceux qui sèment le mal - et cultivent la peine, les moissonnent !
9 Sous l'haleine d'Eloah, ils périssent, - et disparaissent au souffle de sa narine !
10 Le rugissement du lion et le hurlement du léopard - et les dents des lionceaux sont brisées :
11 Le lion périt faute de proie, - et les petits de la lionne sont dispersés.
12 Il me fut susurré une parole, - et mon oreille a perçu quelque chose :
13 Dans les troubles pensers des visions nocturnes, - quand la torpeur tombe sur les mortels,
14 Un tremblement fondit sur moi et un frisson, - et tous mes os furent secoués,
15 Et sur ma face glissa un souffle, et fit dresser le poil de ma chair.
16 Il se dresse devant moi... - et je ne reconnais pas son aspect ; - un spectre est devant mes yeux - et j'entends le susurrement de sa voix :
17 Un mortel devant Eloah est-il juste, - un homme est-il pur, face à son auteur !
18 S'il n'a confiance en ses serviteurs, - si à ses anges il impute folie.
19 Combien plus aux hôtes des maisons d'argile - fondées sur la poussière ! - qu'on écrase comme la teigne,
20 Qui d'aurore à crépuscule sont brisés, - et faute d'un sauveur, périssent pour toujours.
21 Ce qui leur reste leur est arraché, - ils meurent, mais ce n'est point de sagesse.
1 Appelle donc, qui te répond ? - Vers qui des saints te tournes-tu ?
2 Car le chagrin tue l'insensé, - et la colère fait mourir le sot !
3 Moi, j'ai vu l'insensé prendre racine, - et soudain j'ai maudit sa demeure :
4 “Que ses fils soient privés de tout salut ! - et foulés aux Portes sans libérateur”.
5 Ce qu'ils ont moissonné l'affamé le dévore, - et vers des cachettes l'emporte ! - Et des assoiffés n'ont-ils pas happé leurs biens ?
6 Car le malheur ne sort pas de la poussière, - et du sol ne germe pas la douleur,
7 C'est l'homme qui engendre la peine - comme s'envolent les fils de l'éclair.
8 Mais moi, j'ai recouru à Dieu, - et à Elohim exposé ma cause.
9 Qui opère choses puissantes et insondables ! - et prodiges sans nombre !
10 Qui donne la pluie à la face de la terre, - et envoie les eaux à la face des campagnes.
11 Pour placer les humiliés au faite, - et élever au salut les affligés,
12 Qui brise les subterfuges des astucieux, - et leurs mains ne réalisent pas leurs desseins !
13 Qui capte les sages dans leur astuce, - et les desseins des pervers échouent :
14 De jour ils heurtent les ténèbres, - ils errent en plein jour comme dans la nuit !
15 Ainsi il sauve l'homme ruiné de leur bouche, - et de la main du fort l'indigent :
16 Ainsi le pauvre a l'espérance, - et l'injustice ferme sa bouche.
17 Donc heureux l'homme que morigène Eloah, - et n'élude point la correction de Schaddaï,
18 Car s'il blesse, il bande la plaie, - s'il frappe, sa main guérit.
19 En six calamités il te libérera, - en sept le mal ne te touchera.
20 Dans une famine il te sauvera de la mort, - et dans le combat, des mains du glaive ;
21 Au fouet de la langue tu échapperas, et tu ne craindras pas le désastre, quand il surviendra :
22 Du désastre et de la famine tu te riras, - et des bêtes de la terre tu n'auras crainte.
23 Car avec les pierres des champs tu seras en paix, - et la bête sauvage aura pacte avec toi.
24 Tu sauras que ta tente est sauve, - et quand tu visiteras ta demeure, tu ne seras point frustré.
25 Tu sauras que ta postérité est féconde, - ta lignée comme herbe de la terre.
26 Plein d'années, tu iras à la tombe. - Comme la meule qui s'achève en son temps.
27 Voilà ce que nous avons médité ; ainsi est-il ! - Ecoute et fais-en ton profit.
1 Job prit la parole et dit :
2 Si mon chagrin pouvait être pesé son poids - et mes calamités portées aux plateaux d'une balance !
3 Mais parce qu'ils sont plus lourds que le sable des mers, - mes paroles deviennent verbiage ;
4 Car les flèches de Schaddaï me transpercent, - dont mon âme absorbe le venin : - contre moi sont rangées les terreurs d'Eloah !
5 L'onagre brait-il face à son herbe ? - Le bœuf mugit-il face au fourrage ?
6 Peut-on manger mets fade sans sel ? - Est-il saveur dans le glaire d'œuf ?
7 Mon âme se refuse d'y toucher, - et mon cœur a dégoût de mon pain.
8 Qui donnera que ma prière soit agréée - et qu'Eloah me donne ce que j'espère
9 Qu'Eloah veuille m'écraser, - qu'il délie sa main et tranche ma vie !
10 Encore pour moi viendra une consolation, - j'exulterai malgré l'effroi impitoyable, - parce que je n'aurai pas célé les ordres du Saint.
11 Qu'est donc ma force pour que j'espère, - et mon avenir pour allonger mes jours ?
12 Ma force est-elle force de pierres, - ma chair est-elle d'airain ?
13 N'est-ce pas néant que mon propre secours, - et tout salut ne s'éloigne-t-il pas de moi ?
14 Son compagnon a répudié la pitié - et abandonné la crainte de Schaddaï.
15 Mes frères m'ont trahi comme le torrent, - comme le lit des torrents qui dévalent :
16 Voilés de glace, - drapés de neige ;
17 Au temps de la fonte, ils tarissent, - aux beaux jours ils sèchent sur place.
18 Des caravanes infléchissent leur route, - vers le désert et se perdent ;
19 Les caravanes de Théma observent, - les convois de Saba espèrent en eux ;
20 Ils sont confondus dans leur espoir, - parvenus au but, ils sont déçus.
21 Ainsi maintenant vous fûtes pour moi : - vous subissez la crainte, d'effroi vous êtes effrayés !
22 Ai-je dit “Donnez-moi ! - de vos biens faites-moi largesses !
23 Et délivrez-moi de la main d'un ennemi, - et de la main des violents rachetez-moi ?”
24 Enseignez-moi et je me tairai ; - en quoi ai-je erré, montrez-le moi !
25 Loyales paroles ne sont-elles douces ? - Mais quels critères que ces propres critiques ?
26 Songez-vous à critiquer des mots ? Le vent emporte les paroles du désespéré !
27 Même sur l'orphelin vous jetez le sort, - et trafiquez de votre ami.
28 Et maintenant veuillez tourner les yeux vers moi ; - puis-je mentir devant vous ?
29 Revenez-donc ; il n'est point de fausseté ! - Revenez, car ma justice demeure encore !
30 Est-il sur ma langue duplicité ! - Mon palais ne sait-il juger du mal ?
1 N'est-ce pas corvée militaire qu'accomplit l'homme sur terre, - et ses jours ne sont-ils pas jours de mercenaires ?
2 Comme l'esclave qui halète après l'ombre, - comme le mercenaire qui attend son salaire !
3 Ainsi ai-je hérité de mois de déception, - et nuits de peine me furent assignées.
4 Si je me couche, je dis : “A quand le jour ?” - si je me lève : “A quand le soir ?” - Et je suis saturé d'angoisse jusqu'au crépuscule.
5 Ma chair s'est vêtue de vers et de croûtes terreuses, - ma peau s'est fendillée et suppure :
6 Mes jours passent rapides comme la navette ; - faute de fil, ils ont cessé.
7 Souviens-toi ! ma vie est un souffle, - mon œil ne reverra plus le bonheur.
8 L'œil qui me voyait ne me reverra plus : - tes yeux me fixeront et je ne serai plus !
9 Une nuée passe et s'en va, - ainsi qui descend au schéol n'en remonte pas,
10 Et ne retourne pas à sa maison, - et son lieu ne le revoit pas.
11 Ainsi moi ne retiendrai-je point ma bouche, - je parlerai dans l'angoisse de mon esprit, - je me plaindrai dans l'amertume de mon âme :
12 Suis-je la Mer ou le Thannin - pour que devant moi tu postes une garde ?
13 Si je dis : “Mon lit me consolera, - ma couche m'aidera à supporter ma plainte !”
14 Alors tu m'effraies par des songes, - et par des visions tu me terrifies,
15 Et mon âme préférerait l'étouffement, mieux vaut mourir qu'ainsi souffrir !
16 Je m'étiole ! je ne vivrai pas toujours, - laisse-moi donc ! mes jours sont un souffle !
17 Qu'est l'homme pour que tu l'estimes - et vers lui tournes ton cœur,
18 Pour que chaque matin tu le visites, - et que sans cesse tu l'éprouves ?
19 Quand cesseras-tu de me fixer, - et me laisseras-tu déglutir ma salive ?
20 Si j'ai péché, que t'ai-je fait ? - O gardien de l'homme ! Pourquoi m'avoir pris pour ta cible, - pourquoi t'être à charge ?
21 Pourquoi ne tolères-tu ma faute - et ne passes-tu sur mon péché ? Car voici que je me couche dans la poussière, - et tu me recherches, et je ne suis plus !
1 Bildad de Shouah prit la parole et dit :
2 Jusques à quand discourras-tu ainsi, - et paroles de ta bouche seront-elles comme souffle impétueux ?
3 Dieu distord-il le droit, - et Schaddaï fait-il s'infléchir la justice ?
4 Si tes fils ont péché contre lui, - il les a livrés aux mains de leur péché.
5 Si toi, tu recours à Dieu - et implores Schaddaï ;
6 Si tu es pur et droit, - dès lors il veillera sur toi - et restaurera ta demeure de justice,
7 Et ta condition passée sera de peu, - tant surpassera ton état nouveau !
8 Interroge donc la génération précédente - et veille à scruter l'expérience de leurs pères.
9 Puisque nous sommes d'hier et ignorants, - et sur terre nos jours sont comme une ombre,
10 Ne vont-ils pas t'instruire et te parler, - et de leurs cœurs tirer les leçons ?
11 Le papyrus croit-il hors la lagune ? - Et le jonc pousse-t-il hors des eaux ?
12 Encore en sa fleur, lorsqu'il n'est pas cueilli, - qu'avant toute verdure, il se dessèche !
13 Ainsi est-il des voies de tous ceux qui méconnaissent Dieu, - ainsi l'espoir de l'impie s'évanouit,
14 Dont la confiance est réseau de fils, - et sa sécurité, demeure d'araignée :
15 Il s'adosse à sa maison et elle ne tient pas. - Il s'y cramponne et elle ne résiste pas.
16 Il est humecté d'eau avant le soleil - et au jardin où il est, il étale son rejet ;
17 A la rocaille il enlace ses racines, - comme en demeure de pierres il vit !
18 L'arrache-t-on de sa place, - celle-ci le renie : “Je ne t'ai jamais vu !”
19 Le voilà pourri au chemin, - et du sol d'autres germent !
20 Dieu ne rejette pas le juste - et n'empoigne pas la main des méchants !
21 Ta bouche s'emplira encore de rire - et tes lèvres d'allégresse :
22 Tes ennemis seront vêtus de honte, - et la tente des méchants ne sera plus.
1 Job prit la parole et dit :
2 Assurément je sais qu'il en est ainsi : - et comment un homme serait-il juste face à Dieu ?
3 Veut-il contester avec lui, - il ne lui répondra pas une fois sur mille :
4 Il est sage de cœur et ferme en sa force, - qui s'est raidi devant lui et est demeuré sauf ?
5 Lui qui transporte les montagnes et elles ignorent - celui qui les a bouleversées dans sa colère !
6 Lui qui ébranle la terre de son lieu, - et ses colonnes tremblent !
7 Lui qui commande au soleil et point ne se lève, - et qui oblitère les étoiles.
8 Il étend les cieux, lui seul, - et il marche sur les hauteurs de la mer.
9 Il crée l'Ourse, Orion - et les Pléiades et les Chambres du Sud.
10 Il fait de grandes choses, insondables, - et des merveilles sans nombre !
11 Passe-t-il près de moi, je ne le vois pas, - survient-il, je ne l'aperçois pas.
12 S'il prend de force, qui l'en empêchera ? - Qui lui dira : “Que fais-tu ?”
13 Eloah ne revient de sa colère : - sous lui sont courbés les suppôts de Rahab !
14 Combien moins lui répliquerai-je, moi, - et choisirai-je des paroles à répondre !
15 Aurais-je même raison, je serais sans réponse - en suppliant celui qui me juge.
16 Si je l'appelle et qu'il réponde, - serai-je certain qu'il écoute ma voix !
17 Lui qui m'écrase pour un cheveu et intensifie mes souffrances sans raison.
18 Il ne me laisse reprendre haleine, - tant il me rassasie d'amertumes.
19 Quant à la force, c'est lui le fort ; - quant au droit, qui l'assignera ?
20 Suis-je juste, ma bouche me condamne, - suis-je innocent, elle me dit dévoyé.
21 Suis-je parfait ? je m'ignore moi-même ! - ma vie, je la méprise.
22 En fin de compte j'ai dit : “C'est tout un ! - il perd également juste et méchant !”
23 Un fléau sème-t-il soudain la mort, - il se rit du désespoir de l'innocent !
24 Un pays subit-il la main de l'oppresseur, - il voile la face de ses juges ! - si ce n'est lui, qui est-ce donc ?
25 Et mes jours furent plus rapides qu'un coureur, - ils ont fui sans voir le bonheur,
26 Ils ont passé comme barques de papyrus, - comme l'aigle qui fond sur sa proie.
27 Si je dis : “J'oublierai ma plainte. - Je changerai mon visage et je paraîtrai gai !”
28 Je crains toutes mes souffrances. - Car je sais que tu ne m'absous pas !
29 Suis-je coupable ? - Pourquoi alors me fatiguer en vain ?
30 Me laverai-je avec eau de neige ? - Purifierai-je mes mains avec un détersif ?
31 Qu'alors tu me plongerais dans des immondices - et mes vêtements m'auraient en horreur.
32 Car il n'est pas homme comme moi, à qui je puisse répondre. - Avec qui je puisse aller en justice.
33 Nul arbitre entre nous, - qui sur nous deux étende sa main,
34 Qui écarte sa verge de moi, - afin que sa terreur ne m'épouvante pas.
35 Puisqu'il n'en est pas ainsi, moi avec moi-même - je parlerai et ne le craindrai pas.
1 Mon âme a dégoût de la vie ! - J'exhalerai sur moi ma plainte, - je parlerai dans l'amertume de mon âme !
2 Je dirai à Eloah : Ne me condamne pas ! - Fais-moi connaître sur quoi tu me querelles !
3 Est-ce bien pour toi de m'opprimer, - de répudier l'œuvre de tes mains, - et de sourire au conseil des méchants ?
4 Tes yeux sont-ils de chair ? - Vois-tu comme un homme voit ?
5 Tes jours sont-ils pareils aux jours de l'homme ? - Tes années semblables aux jours des humains ?
6 Pour que tu t'enquières de ma faute - et scrutes mon péché,
7 Bien que tu saches que je ne suis pas coupable - et que nul ne peut délivrer de ta main !
8 Tes mains m'ont formé et façonné, - et tu veux après me détruire totalement !
9 Souviens-toi que tu m'as fait comme avec de l'argile, - et qu'en poussière tu me feras revenir !
10 Ne m'as-tu pas coulé comme du lait ? - et comme caillé ne m'as-tu pas coagulé ?
11 De peau et chair tu m'as vêtu, - d'os et de nerfs tu m'as tissé ;
12 Vie est la grâce que tu m'as faite, - et mon souffle fut gardé par ta bonté !
13 Voici ce que tu as célé dans ton cœur, - je sais ce qui est en toi :
14 Si je pèche, tu m'observes, - et de ma faute, tu ne m'absous pas !
15 Suis-je coupable, malheur à moi ! - Suis-je juste, je ne lève pas la tête ! - Rassasié que je suis de honte, abreuvé d'affliction,
16 Si je me relève, tu me poursuis, tel le lion, - et sans cesse tu fais merveille grâce à moi.
17 Sans cesse et derechef tu m'es hostile, - et tu augmentes ta colère contre moi : - de nouvelles troupes me font assaut.
18 Pourquoi donc m'as-tu fait sortir du sein ? - Je serais trépassé, aucun œil ne m'eût vu :
19 J'aurais été comme qui ne fut pas, - porté de suite du sein à la tombe !
20 Mes jours ne sont-ils pas peu de chose ! - Laisse-moi pour que j'aie quelque joie,
21 Avant que j'aille sans espoir de retour, - vers la terre des ténèbres et de l'ombre.
22 Terre de noires ténèbres et de chaos, - où la clarté est comme l'obscurité.
1 Sophar de Naama prit la parole et dit :
2 Ce discoureur n'aura-t-il pas réponse ? - Ce loquace aura-t-il raison ?
3 Tes verbiages feront-ils taire les gens, - te moqueras-tu sans que nul ne blâme ?
4 Or, tu dis : “Pure est ma doctrine, - et je suis net à tes yeux.”
5 Mais qui donnera qu'Eloah parle, - qu'il ouvre ses lèvres pour toi
6 Et qu'il te révèle les secrets de la sagesse, - car ils sont subtils pour la raison ! - Alors tu saurais qu'Eloah te demande raison de ta faute !
7 Pénètres-tu l'intime d'Eloah ? - Atteins-tu la perfection de Schaddaï ?
8 Plus haute que les cieux : que feras-tu, - plus profonde que le schéol : que connaîtras-tu ?
9 Plus longue que la Terre : c'est sa dimension, - et plus large que la Mer !
10 Passe-t-il ? tient-il caché ? - fait-il connaître ? qui l'en empêchera ?
11 Car il connaît lui les hommes pervers, - il voit l'iniquité, et il la pénètre.
12 Ainsi l'insensé vient au bon sens - comme l'ânon devient parfait onagre.
13 Mais toi, si ton cœur est fidèle, - et si tu étends vers lui tes mains,
14 Si tu éloignes le mal qui est en ta main, - et si en tes tentes tu ne laisses pas demeurer l'injustice,
15 Tu lèveras alors ton visage sans souillure, - tu seras ferme et ne craindras pas.
16 Alors tu oublieras tes maux, - comme souvenance d'eaux écoulées !
17 Midis sans déclin seront tes jours, - et l'obscurité sera comme l'aurore.
18 Tu seras alors en sécurité, puisqu'il y aura espoir, - et tu seras protégé et tu te coucheras en sécurité.
19 Tu te reposeras et personne ne te dérangera, - et beaucoup caresseront ton visage !
20 Mais les yeux des méchants s'éteignent, - et tout refuge leur manque : - leur espoir, c'est de rendre l'âme.
1 Job prit la parole et dit :
2 Assurément vous êtes le Peuple - et avec vous mourra la sagesse !
3 Mais, moi aussi j'ai du sens comme vous, - en rien, je ne vous suis inférieur, - qui ne sait choses pareilles.
4 Objet de risée pour son ami, je le suis, - orant d'Eloah à qui il répond. - Il est objet de risée, le juste parfait !
5 Au malheur mépris : c'est pensée d'homme heureux, - un coup au pied qui vacille !
6 Tranquilles sont les tentes des pillards, - en pleine assurance, ceux qui provoquent Dieu, - celui qui conduit Eloah en sa main.
7 Mais interroge donc les bêtes : et elles t'instruiront ; - et les oiseaux des cieux : ils te renseigneront ;
8 Ou les reptiles de la terre : et ils t'instruiront, - les poissons de la mer : et ils te raconteront !
9 Qui ne sait, de toutes parts, - que c'est la main d'Eloah qui a fait tout ceci ?
10 Lui qui tient en sa main l'âme de tout vivant, - et le souffle de toute chair d'homme !
11 L'oreille ne discerne-t-elle pas les paroles, - et le palais ne goûte-t-il pas la nourriture ?
12 Chez les vieillards n'y a-t-il pas sagesse, - et dans l'âge avancé intelligence ?
13 En lui sont sagesse et puissance. - A lui conseil et intelligence !
14 Détruit-il ? on ne peut reconstruire ; - enferme-t-il un homme ! et on ne peut ouvrir.
15 S'il contient les eaux, c'est sécheresse, - s'il les lâche, c'est terre inondée.
16 Chez lui, force et prudence, - à lui celui qui erre et qui fait errer.
17 Il fait marcher nu-pieds les conseillers. - Et les juges, il les rend stupides.
18 Il a délié les liens des rois - et il a lié une chaîne à leurs reins.
19 Il fait marcher nu-pieds les prêtres, - et les puissants, il les renverse.
20 Il clôt les lèvres des sincères, - et le jugement des vieillards, il l'enlève :
21 Il répand le mépris sur les grands, - il relâche la ceinture des forts !
22 Il dépouille de leurs ténèbres les profondeurs - et projette l'ombre à la lumière.
23 Il fait croître les nations et les fait périr, - il dilate les peuples et il les supprime.
24 Il enlève le cœur des chefs du pays - et les fait errer dans les déserts sans piste.
25 Ils tâtonnent dans les ténèbres sans lumière, ils chancellent comme homme ivre.
1 Vrai, mon œil a vu tout cela, - mon oreille l'a entendu et l'a discerné :
2 Ce que vous savez, moi aussi je le sais, - et moi, je ne vous suis pas inférieur.
3 Mais moi, c'est à Schaddaï que je parle, - et je sais contester avec Dieu.
4 Quant à vous, vous êtes artisans de mensonges, - et tous n'êtes que médecins de néant !
5 Qui vous donnera de faire silence, - et que ce soit pour vous sagesse !
6 Ecoutez donc ma récrimination - et prêtez attention aux discussions de mes lèvres !
7 Est-ce pour Dieu que vous parlez faux, - est-ce pour lui que vous dites mensonge ?
8 Est-ce son parti que vous prenez, - et pour Dieu voulez-vous plaider ?
9 Est-il bon qu'il vous examine, - si comme homme qu'on berne, vous vous jouez de lui ?
10 Fermement il vous corrigera, - si en secret vous avez quelque parti pris.
11 Sa majesté ne vous terrifie-t-elle pas, - et la terreur qu'il porte ne tombera-t-elle pas sur vous ?
12 Vos sentences ne sont-elles pas maximes de cendre - et vos répliques ne sont-elles pas d'argile ?
13 Faites silence devant moi, et moi je parlerai, - et m'advienne que voudra.
14 Je porte ma chair entre mes dents. - Et ma vie je la mets en ma main.
15 Veut-il me tuer, je ne tremble pas, - pourvu que face à lui, je discute mes raisons.
16 Ceci du reste sera pour mon salut, - car devant lui l'impie ne se tient pas.
17 Ecoutez avec soin mes paroles, - et que mes raisons soient à vos oreilles.
18 Voici donc, j'ai ordonné ma cause : - et je sais, moi, que j'ai raison.
19 Qui veut contester avec moi ? - Sitôt je me tairai et quitterai la vie.
20 Epargne-moi seulement deux choses : - alors je ne me cacherai pas de ta face.
21 Ecarte ta main de moi, - et que la terreur ne m'effraie pas.
22 Puis, appelle et moi, je répondrai, - ou je parlerai et ta répondras.
23 Combien en moi de fautes et de péchés ? - Fais-moi connaître mon offense et mes péchés !
24 Pourquoi voiles-tu ta face - et m'estimes-tu comme ton ennemi ?
25 Veux-tu troubler feuille agitée au vent - et poursuivre paille sèche ?
26 Pour écrire contre moi libelles venimeux - et m'imputer fautes de jeunesse,
27 Pour me mettre les pieds dans les ceps - et observer tous mes déplacements - et tenir gravée la trace de mes pas.
28 Et comme pourriture, il se consume, - comme vêtement rongé par les mites.
1 L'homme né de la femme - vit peu de jours et est saturé de troubles,
2 Comme une fleur pousse, puis se fane, - et fuit comme l'ombre et ne s'arrête.
3 Cependant c'est sur lui que tu auras l'œil, - et lui que tu mènes en justice avec toi !
4 Qui donnera que le pur vienne de l'impur ? - Personne !
5 Puisque ses jours sont comptés, - et de toi connu le nombre de ses mois, - puisque tu as fixé son terme qu'il ne peut franchir,
6 Détourne de lui ton regard et laisse-le, - jusqu'à ce que, pareil au mercenaire, il termine sa journée.
7 Car il est à l'arbre un espoir : - s'il est coupé, il peut encore revivre - et sa pousse ne finira pas :
8 Si sa racine vieillit en terre, - si son tronc meurt dans le sol.
9 A la senteur des eaux, il reverdit - et se fait frondaison comme jeune plant !
10 Mais l'homme meurt et demeure abattu, - l'homme exhale sa vie et où est-il ?
11 Les eaux auront disparu de la mer, le - fleuve sera tari et desséché,
12 Cependant l'homme demeurera couché et ne se lèvera plus : - jusqu'à la consommation des cieux, ils ne s'éveilleront pas - et ne se réveilleront plus de leur sommeil !
13 Qui donnera que dans le schéol tu me caches - et me cèles jusqu'à ce que cesse ta colère, - et me fixes un terme où tu te souviendrais de moi ?
14 Si un homme meurt, revivra-t-il ? - Tous les jours de mon service, j'attendrais - jusqu'aux jours de ma relève.
15 Tu appellerais et moi je répondrais, - et l'œuvre de tes mains, tu la réclamerais,
16 Tandis que maintenant tu supportes mes pas, - tu n'épierais plus mon péché.
17 Scellée en un sachet serait ma transgression, - et tu blanchirais mon iniquité !
18 Mais une montagne finalement s'écroulera - et un rocher s'éboulera de sa place,
19 Les eaux effriteront les pierres, - l'averse submergera le sol de la terre, - ainsi détruis-tu l'espoir de l'homme.
20 Tu l'assailles et sans retour il s'en va, - il change de visage et tu le chasses.
21 Ses fils sont-ils honorés, il ne sait, - sont-ils abaissés, il l'ignore :
22 Il est le seul pour qui souffre sa chair, - il est le seul pour qui s'afflige son âme.
1 Eliphaz de Théman prit la parole et dit :
2 Un sage répond-il par science de vent et gonfle-t-il Son Ventre de vent d'orient,
3 En discutant en paroles inutiles - et par des mots sans profit ?
4 Et même tu brises toute piété - et énerves la réflexion devant Dieu !
5 Puisque ta faute inspire ta bouche, - et que tu choisis le langage des fourbes,
6 Ta bouche et non moi te condamne, - et tes lèvres déposent contre toi !
7 Es-tu né le premier homme, - as-tu été enfanté avant les collines ?
8 Entends-tu les confidences d'Eloah, - et pour toi soustrais-tu la sagesse ?
9 Que sais-tu qui ne nous soit connu ? - Que ne comprends-tu, que nous ne comprenions ?
10 Vieillard comme ancien est aussi parmi nous, - plus riche de jours que ton père !
11 Est-ce trop peu pour toi les consolations de Dieu, - et parole qui t'est dite en douceur ?
12 Pourquoi ton cœur t'emporte-t-il, - pourquoi tes yeux clignotent-ils,
13 Quand tu tournes vers Dieu ton souffle irrité, - et que tu profères des mots de ta bouche ?
14 Qu'est l'homme pour être pur, - et le fils de la femme pour être juste ?
15 Si en ses saints il ne place sa confiance, - si les cieux ne sont pas purs à ses yeux,
16 Combien moins l'être abominable et pervers, - l'homme qui boit l'injustice comme l'eau.
17 Je vais t'expliquer, écoute-moi, - ce que j'ai vu, je vais le raconter,
18 Ce que rapportent les sages, - sans en rien cacher, d'après leurs pères,
19 Auxquels seuls fut donnée la terre, - et nul étranger ne passa parmi eux.
20 Tous ses jours le méchant se tourmente, - et au long des années réservées au tyran,
21 Des voix de terreurs sont à ses oreilles, - en pleine paix le pillard se jette sur lui.
22 Il n'a point espoir d'échapper aux ténèbres. - Et se sent marqué pour le glaive,
23 Il est jeté en pâture au vautour, - il sait que son infortune est proche ;
24 Le jour des ténèbres l'épouvante, - l'anxiété et l'angoisse l'attaquent - comme roi prêt au combat ;
25 Car il étendait la main sur Dieu - et faisait le fort contre Schaddaï,
26 Il courait sur lui, le cou tendu, - sous la voûte épaisse de ses boucliers !
27 Car son visage était bouffi de graisse, - et ses lombes alourdies d'embonpoint,
28 Et il habitait les villes détruites, - des maisons inhabitées, - parce qu'elles sont prêtes à tomber en ruines.
29 Il ne s'enrichira pas, et sa fortune ne subsistera pas, - et son ombre ne s'étendra pas sur la terre,
30 Il ne pourra échapper aux ténèbres, - un feu desséchera son surgeon, - et par le vent sera emportée sa fleur.
31 Qu'il ne se fie point à sa cime ! - Nous savons que c'est vanité :
32 Son rameau avant son jour sera flétri - et sa palme ne reverdira pas ;
33 Il exprimera comme la vigne, son verjus - et il rejettera comme l'olivier, sa floraison !
34 Car la faction de l'impie est stérile, - et le feu dévorera les tentes vénales !
35 On conçoit la peine et on enfante le mal, - mais le sein prépare une duperie !
1 Job prit la parole et dit :
2 J’ai entendu bien des choses semblables, - vous êtes tous de fâcheux consolateurs !
3 Y aura-t-il fin à ces paroles oiseuses ? - Quel tourment te pousse à répondre ?
4 Moi aussi je parlerais comme vous, - si votre âme était à la place de mon âme : J'abonderais en mots à vos dépens, - et je branlerais la tête sur vous !
5 Je vous réconforterais de ma bouche - et ne retiendrais pas le mouvement de mes lèvres !
6 Mais si je parle, ma douleur ne s'apaise pas, - et si je me tais, elle ne s'éloigne guère de moi.
7 C'est que maintenant l'envieux m'a mis à bout de forces, - tous ses suivants s'emparent de moi.
8 Il s'est porté témoin et s'est levé contre moi, - mon calomniateur dépose contre moi.
9 Sa colère me déchire comme proie et il me poursuit, - il a grincé des dents contre moi, - mon ennemi darde ses yeux sur moi.
10 Ils ont ouvert leur bouche contre moi, - en outrage, ils ont frappé mes joues, - ensemble, ils font corps contre moi.
11 Dieu me livre au pervers, - et aux mains des méchants me jette.
12 J'étais en paix et il m'a brisé, - il m'a pris à la nuque et m'a rompu, - il m'a dressé pour sa cible.
13 Sur moi convergent ses traits, - il transperce mes reins sans pitié, - il répand à terre mon fiel.
14 Il ouvre en moi brèche sur brèche, - il court sur moi comme un guerrier.
15 J'ai cousu un sac sur ma peau, - et enfoncé ma corne en la poussière.
16 Mon visage est rougi de mes pleurs, - et sur mes paupières, c'est l'ombre.
17 Bien qu'en mes mains ne soit aucune violence - et que ma prière soit pure.
18 Terre, ne cache pas mon sang ! - Et qu'il ne soit lieu secret pour mon cri !
19 Maintenant encore voici qu'aux cieux est mon témoin, - et mon témoin est dans les hauteurs.
20 Ma clameur est arrivée jusqu'à Eloah, - devant lui a pleuré mon œil.
21 Puisse-t-il être un arbitre entre l'homme et Eloah, - comme il est entre homme et son prochain ?
22 Car le compte est bref de mes années à venir, - et par une route sans retour je m'en irai.
1 Mon souffle a été détruit, mes jours se sont éteints : - pour moi ne reste que le lieu du sépulcre !
2 Ne suis-je point objet de railleries, - et n'est-ce pas dans l'amertume que mon œil passe les nuits ?
3 Dépose mon gage près de toi : - qui voudrait frapper dans ma main ?
4 Parce que tu as privé leur cœur de raison, - voilà pourquoi leur main ne se lève pas :
5 Tel invite au partage ses amis - tandis que les yeux de ses fils languissent !
6 Et l'on m'a mis en fable pour le peuple, - et c'est à moi qu'on crache au visage.
7 Mon œil s'obscurcit de chagrin, - et mes membres comme l'ombre s'effacent !
8 De cela les hommes droits sont étonnés, - et l'innocent contre l'impie s'indigne.
9 Mais le juste garde sa voie, - et l'homme aux mains pures fortifie son courage !
10 Mais vous tous retournez-vous et venez - ne trouverai-je point un sage parmi vous ?
11 Passés mes jours, ruinés mes desseins ! - Les soupirs de mon cœur
12 changent la nuit en jour : - la lumière devance les ténèbres.
13 Puis-je espérer ? Le schéol est ma demeure ! - Dans les ténèbres, j'ai étendu ma couche.
14 A la fosse j’ai crie : “Tu es mon père !” - Aux vers : “Ma mère et mes sœurs”.
15 Où est donc mon espoir ? - Et mon bonheur, qui l'aperçoit ?
16 Avec moi, iront-ils au schéol ? - Ensemble, nous enfoncerons-nous dans la poussière ?
1 Bildad de Shouah prit la parole et dit :
2 Jusques à quand mettrez-vous des entraves aux paroles ? - Ecoutez et alors nous parlerons :
3 Pourquoi passerions-nous pour des bêtes ? - Pourquoi à vos yeux être comparés au bétail ?
4 Toi qui te déchires en ta colère, - pour toi faudra-t-il que le pays soit délaissé - et que de son lieu un rocher se déploie ?
5 Oui, la lumière des méchants s'éteint, - et sa flamme de feu ne brille plus,
6 La lumière s'obscurcit dans sa tente - et sa lampe au-dessus de lui s'éteint.
7 Ses pas alertes se resserrent, - et son propre conseil le fait trébucher.
8 Précipité par les pieds dans les rets, - il s'avance sur un treillis de pièges.
9 Un lacet le prend au talon, - des tresses l'enserrent.
10 En terre est dissimulée la corde pour le saisir, - et le piège pour le prendre est sur la piste.
11 De toutes parts des terreurs l'épouvantent - et le poursuivent pas à pas.
12 sera affamé parmi ses biens, - et le malheur se dresse à son côté.
13 Sa peau est rongée par la maladie, - le premier-né de la mort mange ses membres.
14 Il est arraché de sa tente, lieu de sa sécurité, - et tu peux l'emmener au roi des terreurs.
15 Tu peux habiter en sa tente qui n'est plus sienne, - et sur sa demeure est tombé le soufre.
16 En bas ses racines se dessèchent, - en haut sa ramure se flétrit.
17 Sa mémoire disparaît de la terre, il n'a plus de nom sur la steppe.
18 On le pousse de la lumière aux ténèbres, - et du monde on l'expulse.
19 Ni lignée, ni descendance pour lui, parmi son peuple, - et nul survivant au lieu de ses séjours.
20 De son destin sont stupéfaits ceux de l'Occident, - et ceux de l'Orient en sont secoués de peur :
21 Et voilà le peu qu'est la demeure de l'impie, - et voilà la place de qui renie Dieu.
1 Job prit la parole et dit :
2 Jusques à quand attristerez-vous mon âme - et me presserez-vous de vos discours ?
3 Voilà dix fois que vous m’outragez, - que sans avoir honte vous me maltraitez !
4 Mais même fût-il vrai que j'aie erré, - c'est bien en moi que gît mon erreur !
5 Est-il bien vrai que vous me traitez avec hauteur - et que vous me reprochez mon opprobre ?
6 Sachez donc que c'est Eloah qui m'est injuste - et qui m'enserre de son filet.
7 Si je crie à la violence, je suis sans réponse, - je m'exclame : et nulle justice !
8 Il a d'un mur barré ma route pour que je ne passe pas, - et sur mes sentiers il a mis les ténèbres :
9 De ma gloire, il m'a dépouillé, - de ma tête il a enlevé la couronne !
10 De toutes parts il me démantèle, et je trépasse, - il déracine comme l'arbre mon espoir,
11 Il s'enflamme de colère contre moi - et m'estime comme son ennemi.
12 Arrivent ses bandes assemblées, - elles établissent contre moi leur chemin, - et elles campent autour de ma tente.
13 Mes frères, il les a détournés de moi, - et mon entourage m'abandonne.
14 Proches et familiers ont disparu, - ils m'ont oublié, les hôtes de ma demeure !
15 Et mes servantes me regardent comme un étranger, - je suis un métèque à leurs yeux.
16 J'appelle mon serviteur et il ne répond pas, - quand de ma propre bouche, je l'implore.
17 Mon haleine répugne à ma femme, - et je suis devenu fétide aux fils de mes entrailles.
18 Les enfants mêmes m'ont méprisé, - quand je me lève, ils ricanent après moi.
19 Ils ont horreur de moi, tous mes confidents, - et ceux que j'aimais se sont tournés contre moi !
20 Dans ma peau, ma chair a pourri, - et j'ai limé mon os avec mes dents.
21 Ayez pitié de moi, ayez pitié de moi, mes amis, - car la main d'Eloah m'a frappé.
22 Pourquoi me poursuivez-vous, comme Dieu, - et de ma chair n'êtes-vous point rassasiés ?
23 Qui donnera que soient écrites mes paroles ! - Qui donnera que sur l'airain elles soient gravées,
24 Qu'avec burin de fer et de plomb, - pour toujours sur le roc elles soient sculptées !
25 Moi je sais que mon défenseur est vivant - et que le dernier sur terre il se lèvera,
26 Et derrière ma peau, je me tiendrai debout - et de ma chair je verrai Eloah,
27 Que moi, je verrai moi-même, - que mes yeux regarderont et non un autre : - mes reins languissent dans mon sein !
28 Que si vous dites “Comment le poursuivrons-nous - et quel motif à litige trouverons-nous en lui ?”
29 Craignez pour vous-mêmes le glaive, - quand la colère s'enflammera contre les fautes, - en sorte que vous sachiez qu'il y a un jugement !
1 Sophar de Naama prit la parole et dit :
2 Voici pourquoi mes réflexions me font revenir, - c'est à cause du souci que j'éprouve,
3 Quand j'entends une leçon qui m'outrage, - alors le souffle de mon intelligence me pousse à répondre !
4 Ne sais-tu pas que depuis toujours, - depuis que l'homme fut placé sur la terre,
5 La joie des méchants fut brève, - le bonheur de l'impie n'est que d'un instant ?
6 Même si sa taille s'élève jusqu'aux cieux et si sa tête touche les nues,
7 Comme un fantôme, il s'évanouit à jamais, - ceux qui le voyaient disent : “Où est-il ? ”
8 Comme un songe il s'envole et on ne le trouve plus, - il est chassé comme une vision de nuit.
9 L'œil qui le regardait ne le voit plus - et davantage n'aperçoit son lieu.
10 Ses fils restitueront aux pauvres - et ses mains rendront son opulence,
11 Ses os étaient remplis de jeune ardeur - et avec lui elle s'étend dans la poussière !
12 Si le mal est doux à sa bouche, - s'il le cèle sous sa langue,
13 S'il le garde et ne le lâche pas, - s'il le retient en son palais,
14 Sa nourriture en ses entrailles se tourne, - c'est un venin d'aspic au profond de son corps.
15 Les biens qu'il avala, il les régurgite, - Dieu les fait sortir de son ventre ;
16 C'est venin d'aspic qu'il suçait, - c'est un dard de vipère qui le tue !
17 Il ne verra point les ruisseaux d'huile fraîche, - les torrents de miel et de beurre :
18 Il rend son gain et ne l'avale pas, - et de ses acquêts ne jouit pas.
19 Parce qu'il a durement pressuré les pauvres, - qu'il a volé une maison et ne l'a point bâtie.
20 C'est qu'il n'a point connu d'apaisement en son ventre, - à son avidité nul n'échappait,
21 A sa voracité nul ne se soustrayait, - voilà pourquoi son bonheur ne dure point !
22 Au comble de sa fortune, il est dans l'angoisse, - et la main du malheur s'abat sur lui !
23 Quand il est à remplir son ventre, - Dieu déchaîne sur lui l'ardeur de sa colère et fait pleuvoir les traits sur son corps.
24 Fuit-il l'arme de fer, que l'arc d'airain le transperce,
25 Et le trait sort de son dos, - et l'éclair de la lame ressort de son foie. - Sur lui tombent les terreurs,
26 Toutes les ténèbres sont en son for réservées. - Un feu qui ne fut pas attisé le dévorera - et broutera qui survit en sa tente.
27 Les cieux révèlent son iniquité - et la terre s'élève contre lui :
28 Une inondation emportera sa maison - torrentueuse au jour de la colère divine !
29 Telle est la part du méchant de par Elohim, - tel est le lot que sa personne reçoit de Dieu.
1 Job prit la parole et dit :
2 Ecoutez avec soin ma parole - et s'arrêtent là vos consolations.
3 Supportez-moi et moi, je parlerai, - et quand j'aurai parlé, tu ironiseras.
4 Est-ce contre un homme que j'élève ma plainte ? - Et alors pourquoi ne serai-je pas à bout de souffle !
5 Tournez-vous vers moi et soyez stupéfaits - et placez la main sur la bouche,
6 Car, quand j’y pense, je suis effrayé - et ma chair en frémit.
7 Pourquoi les méchants ont-ils vie, - s'avancent en âge et croissent en puissance ?
8 Leur postérité tient ferme devant eux, - et leurs rejetons subsistent sous leurs yeux.
9 Leurs demeures sont libres de peur, - et sur eux n'est point de verge d'Eloah !
10 Leur taureau féconde sans se dérober, - leur génisse met bas sans avorter.
11 Ils laissent, comme brebis, courir leurs enfants, - et leurs jouvenceaux s'en vont danser,
12 Ils chantent au son du tambourin et de la cithare - et s'ébaudissent au son des flûtes.
13 Ils achèvent leurs jours dans le bonheur, - ils descendent en paix au schéol.
14 Cependant ils disaient à Dieu : “Détourne-toi de nous : - nous ne voulons pas connaître tes voies !
15 Qu'est Schaddaï pour que nous le servions ? - Que gagner à le supplier ?”
16 Le bonheur n’est-il pas en leur main ? - Le conseil des méchants n’est-il pas loin de lui ?
17 Combien de fois la lampe des méchants s'éteint-elle - et leur malheur fond-il sur eux ? - Et combien de fois fait-il périr par sa colère les mauvais ?
18 Et sont-ils comme paille au gré du vent, - et comme la bale qu'un tourbillon soulève ?
19 Eloah réserve pour ses fils son iniquité ? - Qu'il le punisse lui-même et qu'il apprenne !
20 Que ses propres yeux voient son infortune - et qu'il boive au courroux de Schaddaï !
21 Quel souci a-t-il de sa maison, après sa mort, - quand le nombre de ses mois a été brisé ?
22 Est-ce à Dieu qu'on apprend la science ? - Quand c'est lui qui juge les grands !
23 Tel meurt en sa pleine vigueur, - en tout bonheur et toute paix,
24 Les hanches remplies de graisse, - la moelle de ses os bien fraîche !
25 Tel autre meurt, l'amertume dans l'âme, - sans avoir goûté au bonheur :
26 Ensemble, ils s'étendent dans la poussière, - où les vers tous deux les recouvrent.
27 Je sais bien quelles sont vos pensées, - et les jugements que vous portez sur moi.
28 Vous vous dites : Où est la maison du puissant - et où la tente qu'habitaient les méchants ?
29 N'avez-vous pas interrogé ceux qui passent au chemin, - et n'avez-vous pas reconnu leurs signes ?
30 Qu'au jour de malheur l'impie est saut - qu'au jour des colères, il est gai !
31 Qui lui reproche sa conduite en face, - qui lui rend ce qu'il a fait ?
32 Quant aux tombeaux il est conduit, - sur son tertre il veille :
33 Légères lui sont les mottes du torrent, et derrière lui tout le monde s'avance, - et devant lui une foule innombrable !
34 Comment donc me consolez-vous si vainement ! - De vos réponses ne reste que tromperie !
1 Eliphaz de Théman prit la parole et dit :
2 A Dieu un homme est-il donc utile ? - C'est à soi-même qu'est utile le sage !
3 Quel intérêt pour Schaddaï à ce que tu sois juste, - et quel gain dans le perfectionnement de tes voies ?
4 Est-ce parce que tu crains Dieu qu'il te corrige, - et qu'avec toi il ira en justice ?
5 N'est-ce pas en raison de la grandeur de ta malice - et qu'il n'est point de limite à tes fautes ?
6 C'est que tu prenais inconsidérément des gages à tes frères - et que tu enlevais les haillons de ceux qui sont nus,
7 Tu ne désaltérais point l'assoiffé - et refusais le pain à l'affamé.
8 A l'homme de force, à lui la terre ! - A l'arriviste de s'y loger !
9 Les veuves tu les as renvoyées dénuées, - et les bras de l'orphelin tu les brisais !
10 Voilà pourquoi des rets t'enserrent, - et une peur soudaine t'effraie,
11 Ténèbres s'est faite la lumière et tu ne vois plus, - et le flux des eaux te submerge.
12 Eloah n'est-il pas au faite des cieux ? - Et vois la tête des étoiles, comme elles sont élevées !
13 Tu t'es dit en toi-même : “Que connaît Dieu ? - Et juge-t-il derrière la nuée ?
14 Les nues lui sont un voile et il ne voit pas, - et au pourtour des cieux il se promène !”
15 Gardes-tu la voie de jadis, - laquelle ont suivie les hommes pervers,
16 Qui furent saisis avant le temps - quand un fleuve s'épandit sur leur fondation ?
17 Ceux qui disaient à Dieu : “Détourne-toi de nous, - et que peut nous faire Schaddaï ?”
18 Or c'est lui qui avait rempli leurs maisons de bonheur, - mais le conseil des méchants se tenait loin de lui !
19 Les justes l'ont vu et se réjouissent, - et l'innocent se moque d'eux :
20 “Leur bien n'a-t-il pas été détruit ? - Et le feu n'a-t-il pas dévoré leur opulence ?”
21 Renoue donc amitié avec lui et fais la paix : de cette manière l'abondance te reviendra !
22 Reçois de sa bouche la loi - et place ses paroles en ton cœur.
23 Si tu reviens à Schaddaï et t'humilies, - si tu éloignes l'injustice de ta tente,
24 Alors tu tiendras l'or comme poussière - et l'ophir comme caillou des torrents,
25 Car Schaddaï sera tes lingots - et pour toi tas d'argent !
26 Alors en Schaddaï tu te délecteras - et tu lèveras ton visage vers Eloah.
27 Tu l'invoqueras et il t'entendra - et tu t'acquitteras de tes vœux.
28 Le dessein que tu formes te réussira, - et sur tes chemins brillera la lumière ;
29 Car il abaisse qui s'élève - et sauve qui baisse les yeux :
30 Il délivre l'homme innocent, - et tu seras délivré par tes mains pures.
1 Job prit la parole et dit :
2 Ce jour encore ma plainte est rebelle, - ma main est lourde sur mon gémissement !
3 Qui me donnera de savoir où le trouver, que j’arrive au lieu de son séjour !
4 J'instruirais devant lui un procès - et j'emplirais ma bouche d'arguments,
5 Je saurais les paroles qu'il me répondrait - et je comprendrais ce qu'il me dirait !
6 Aurait-il grand effort à disputer avec moi ? - Non ! il n'aurait qu'à m'écouter !
7 Il verrait un homme droit discutant avec lui et je me libérerais pour toujours de mon juge !
8 Que j'aille à l'Orient, il n'y est pas, - et à l'Occident je ne l'aperçois pas ;
9 Si je cherche au Nord, je ne l'ai point vu, - si je reviens du Midi, davantage je ne le vois !
10 Car il connaît et mon chemin et mon but, qu'il m'éprouve au creuset et j'en sors comme l'or :
11 A son pas s'est attaché mon pied, - j'ai gardé sa voie et n'ai point dévié ;
12 Du précepte de ses lèvres, je ne m'écartais pas, - j'avais caché en mon sein les paroles de sa bouche.
13 Mais il a choisi et qui le retiendra ? - Ce que son âme a désiré, il le fera,
14 Car il réalise son décret, - et nombreux en sa pensée sont tels desseins !
15 Voilà pourquoi, à cause de lui, je suis effrayé : - je réfléchis et j'ai peur de lui !
16 Dieu a amolli mon cœur, - et Schaddaï m’a effrayé ;
17 Je ne me suis pas tu à cause des ténèbres, - et à cause des ténèbres qui voilent ma face.
1 Pourquoi à Schaddaï les temps ont-ils été cachés, - et ceux qui le connaissent n'ont-ils pas vu ses jours ?
2 Des pervers reculent les bornes - ils enlèvent le troupeau et le pasteur.
3 Ils emmènent l'âne des orphelins, - ils prennent en gage le bœuf de la veuve.
4 Les indigents se détournent du chemin, - ensemble les pauvres du pays doivent se cacher.
5 Comme les onagres dans le désert, - ils sortent cherchant la proie. Et s'ils travaillent jusqu'au soir, - il n'est de pain pour les enfants !
6 Aux champs, c'est de nuit qu'ils moissonnent, - et ils vendangent la vigne du méchant.
7 Nus ils passent la nuit, faute de vêtement, - et nul manteau contre le froid !
8 Mouillés par l'averse des montagnes, - faute d'abri, ils se plaquent au rocher.
9 Ils arrachent l'orphelin du sein, - ils gagent le nourrisson du pauvre.
10 Ils vont nus sans vêtement, - et affamés portent la gerbe ;
11 Entre les meules ils expriment l'huile, - et assoiffés, ils foulent les cuves !
12 Dans la ville les mourants gémissent, - et l'âme des blessés crie au secours, - et Eloah n'entend pas la prière !
13 Ceux-là sont avec les contempteurs de la lumière ; - ils n'en ont point connu les voies - et n'ont point fait retour par ses sentiers.
14 A l'aube se lève l'assassin, - il tue le pauvre et l'indigent. - Et dans la nuit rôde le voleur,
15 L'œil de l'adultère épie le crépuscule, - se disant : “Un œil ne me voit point !” Et met un voile sur sa face.
16 Il perfore dans les ténèbres les maisons - qu'il a remarquées le jour, - et ils n'ont point connu la lumière.
17 Le matin, c'est l'ombre pour eux : - quand il brille, les ténèbres fondent sur eux.
18 Bien léger celui-là à la surface des eaux, - maudit est leur domaine dans le pays. - Point ne se tourne le fouleur vers leur vigne.
19 Sécheresse torride emporte les eaux de neige, - ainsi le schéol emporte le pécheur ;
20 Le sein qui le forma l'oublie, - son nom n'est plus commémoré. - Et comme l'arbre est brisée l'injustice.
21 Il a maltraité la stérile qui n'enfante point, - et n'a pas bien agi envers la veuve.
22 Mais celui qui saisit en force les puissants - surgit et il n'est plus à compter sur la vie.
23 Il lui donnait de s'appuyer avec sécurité, - mais ses yeux étaient sur ses voies.
24 Il s'élevait un peu et il n'est plus. - Et il est incliné comme l'arroche cueillie - et comme tête d'épi, il s'est fané.
25 S'il n'en est pas ainsi qui me donnera démenti - et réduira ma parole à néant ?
1 Bildad de Shouah prit la parole et dit :
2 En lui puissance dominatrice et terrifiante force : - il assure la paix dans ses hauteurs :
3 Peut-on nombrer ses milices ? - Et contre qui ne se lève pas son embuscade ?
4 Comment l'homme serait-il juste devant Dieu - comment serait-il pur celui qui est né de la femme ?
5 Si même la lune ne brille pas - et si les étoiles ne sont pas pures à ses yeux,
6 Combien moins un homme, ce ver, et le fils d'homme, un vermisseau.
1 Job prit la parole et dit :
2 Comme tu as aidé celui qui est sans force, - secouru le bras sans vigueur !
3 Comme tu as conseillé celui qui est sans réflexion - et fait montre de profonde sagesse !
4 Pour qui as-tu énoncé des mots, - et de qui est l'esprit sorti de toi ?
5 Les mânes tremblent sous terre, - les eaux et leurs habitants se troublent.
6 Le schéol est nu devant lui, - et plus de voile à l'Abaddon !
7 Il étend le Nord sur le vide, - il suspend ta terre sur le néant.
8 Il enserre les eaux dans ses nuées, - et la nuée n’éclate pas sous elles.
9 Il recouvre la face de la pleine lune - en étendant sur elle sa nuée.
10 Il a tracé un cercle sur la face des eaux - jusqu'à la limite entre la lumière et les ténèbres.
11 Les colonnes des cieux sont ébranlées - et demeurent interdites à sa menace.
12 Par sa force il a fendu la mer et par son intelligence il a frappé Rahab.
13 Son souffle a donné clarté aux cieux, - sa main a transpercé le serpent fuyard.
14 Si tels sont les aspects extérieurs de ses voies, - quel faible écho nous en entendons ! - Et le tonnerre de sa puissance, qui le comprendra ?
1 Job poursuivit son discours et dit :
2 Vive Dieu, qui a rejeté ma cause, et Schaddaï qui a aigri mon âme !
3 Tant qu'en moi sera tout mon esprit - et le souffle d'Eloah en ma narine,
4 Mes lèvres ne diront point de fausseté et ma langue ne susurrera point de mensonge.
5 Loin de moi de vous donner raison : - jusqu'à ce que j'expire, je n'écarterai pas de moi ma perfection ;
6 En ma justice je demeure ferme et ne faiblirai point ; - mon cœur n'a point honte de mes jours.
7 Qui me hait soit comme le méchant, - et qui se lève contre moi comme l'injuste !
8 Car quel est l'espoir de l'impie quand il supplie, quand il élève son âme vers Eloah ?
9 Dieu entend-il son cri - quand lui survient une calamité ?
10 En Schaddaï se complaît-il ? - Invoque-t-il Eloah en tout temps ?
11 Je vous enseigne la conduite de Dieu - ce qui est de Schaddaï, je ne le cache pas.
12 Si, vous tous, vous l'avez constaté, - pourquoi en vain faites-vous chose vaine ?
13 Voici qui vient de Dieu, la part du méchant - et le lot des violents qui vient de Schaddaï !
14 Si ses fils sont nombreux, c'est pour le glaive, - et ses rejetons n'ont point abondance de pain.
15 Ceux qui lui survivent sont enterrés par la Peste, - et ses veuves ne les pleurent pas.
16 S'il amasse l'argent comme de la poussière, - s’il entasse les vêtements comme de la boue,
17 Lui entasse, mais un juste s'en revêt, - et c'est un innocent qui partage l'argent !
18 Comme un nid il a bâti sa demeure - et comme une hutte qu'a fait un gardien.
19 Riche il se couche et ne fera pas à nouveau, - il a ouvert les yeux et il n'est plus !
20 Des terreurs l'assiègent le jour ; - un tourbillon l'enlève la nuit ;
21 Le vent d'Orient l'emporte et il s'en va, - et l'arrache du lieu où il est.
22 Et l'on jette sur lui sans pitié, - et de la main qui le frappe il tente de s'échapper !
23 On bat des mains sur lui, - et de partout où il est on le siffle !
1 Assurément il est pour l'argent une source, - pour l'or un lieu où on l'épure,
2 Le fer est extrait de la terre - et la pierre fondue devient du cuivre.
3 On a borné les ténèbres, - et jusqu'aux limites extrêmes on fouille - la pierre obscure et sombre.
4 Un peuple étranger a creusé des galeries, - qui sont inaccessibles à gravir ; - elles sont suspendues et se balancent loin de l'homme !
5 Terre d'où sort le pain, - sous laquelle c'est bouleversé comme par le feu.
6 Lieu où les pierres sont du saphir - et où est poussière d'or !
7 Sentier inconnu de l'oiseau rapace, - et que n'a point aperçu l'œil du vautour !
8 Et ne l'ont point foulé les fauves, - et point n'y est passé le léopard !
9 Sur le silex on a porté la main, - on a remué les monts par la base :
10 Dans les roches on a creusé des canaux, - et toute chose précieuse, l'œil l'a vu ;
11 On a sondé les sources des fleuves, - et ce qui est caché, on l'a produit à la lumière.
12 Et la Sagesse d'où sort-elle ? - Quel est le lieu de l'Intelligence ?
13 L'homme n'en sait le chemin - et elle ne se trouve pas dans la terre des vivants.
14 L'Abîme a dit : Elle n'est point en moi ! - Et la Mer a dit : Elle n'est point chez moi !
15 L'or pur n'est pas donné à sa place - et l'argent n'est pas pesé pour son prix.
16 Elle n'est pas évaluée avec l'or d'Ophir, - ni avec la cornaline, ni avec le saphir.
17 Point ne lui sont comparés ni l'or, ni le verre, - et un vase d'or fin n'est point à sa valeur.
18 Des coraux et du cristal il n'est pas à faire mention. - Et l'extraction de la Sagesse dépasse celle des perles.
19 Point ne lui est comparable le topaze de Cousch, - avec l'or pur elle n'entre pas en balance !
20 Et la sagesse d'où vient-elle, - et quel est le lieu de l'Intelligence ?
21 Elle a été cachée aux yeux de tout vivant - et à l'oiseau des cieux celée.
22 L'Abaddon et la Mort ont dit : - de nos oreilles nous avons entendu sa renommée.
23 Elohim en a discerné le chemin, - c'est lui qui en connaît le siège,
24 Quant aux confins de la terre il regardait - et qu'il voyait tout sous les cieux.
25 Pour donner au vent sa pesanteur - et jauger l'étiage des eaux,
26 Quand il assignait à la pluie son domaine et une route aux roulements du tonnerre,
27 il la vit alors et l'évalua, - il la discerna et la scruta !
28 Et il dit à l'homme : Voici : craindre Adonaï est la Sagesse, - et s'éloigner du Mal est l'intelligence.
1 Alors Job reprit son poème et dit :
2 Qui me rendra tel qu'aux mois de jadis, - aux jours où Eloah me protégeait,
3 Alors qu'il faisait briller sa lampe sur ma tête - et qu'à sa lumière j'allais à travers les ténèbres ?
4 Tel que j'étais aux jours de mon automne, - lorsque Eloah veillait sur ma tente,
5 Quand Schaddaï était encore près de moi - et qu’autour de moi étaient mes fils,
6 Quand mes pieds s'oignaient de beurre - et que le roc dur devenait ruisseaux d'huile !
7 Quand je franchissais la porte haute de la ville - et que sur l'aire j'installais mon siège ;
8 A ma vue les jeunes s'effaçaient, - et les vieillards se tenaient debout,
9 Les grands retenaient leurs discours - et mettaient la main sur leur bouche ;
10 La voix des chefs s'assourdissait - et leur langue se collait à leur palais.
11 L'oreille qui l'entendait me proclamait heureux - et l'œil qui me voyait témoignait en ma faveur,
12 Car je libérais le pauvre qui implore, - l'orphelin et celui que nul n'assiste ;
13 La bénédiction du miséreux venait vers moi, - et je réjouissais le cœur de la veuve.
14 De justice revêtu, j’étais vêtu par elle, - comme manteau et tiare était mon droit :
15 J'étais des yeux pour l'aveugle, - et j'étais des pieds pour le boiteux.
16 J'étais un père pour les indigents, - et de la cause de l'inconnu je m'informais.
17 Je brisais les crocs de l'injuste - et de ses dents j'arrachais la proie.
18 Et je me disais : “J'expirerai vieux - et j'aurai des jours nombreux comme le sable.
19 Ma racine est ouverte aux eaux - et la rosée séjourne de nuit sur ma ramure :
20 Ma gloire se renouvellera toujours - et mon arc reprendra vigueur en ma main.”
21 Ils me prêtaient l'oreille, attentifs, - et ils étaient silencieux devant mes conseils :
22 Quand j'avais parlé, ils ne répliquaient pas - et sur eux distillait ma parole.
23 Ils m'attendaient comme on attend la pluie, - et ils ouvraient leur bouche comme pour ondée tardive.
24 Si je leur souriais ils n'osaient y croire - et ne laissaient point perdre la joie lumineuse de ma face !
25 Je choisissais leur chemin et me tenais en tête, - et m'érigeais comme un roi dans la troupe ; - où je les conduisais, ils se laissaient mener !
1 Et maintenant se rient de moi - ceux qui me sont inférieurs en jours, Ceux dont je dédaignais trop les pères - pour les mettre parmi les chiens de mon troupeau !
2 Mais à quoi même la force de leurs mains m'eût-elle servi ? - Leur vigueur avait péri tout entière,
3 A cause de la disette et de la famine épouvantable ! - Ils rongeaient les racines de la steppe, - leur mère était terre de dévastation et de désolation :
4 Ils cueillaient l'arroche au buisson - et la racine des genêts était leur pain.
5 De la société ils étaient chassés, - on vociférait contre eux comme sur le voleur,
6 En sorte qu'ils habitaient aux abrupts des torrents, - dans les creux du sol et les rochers ;
7 Parmi les buissons, ils brayaient, - sous le paliure ils étaient entassés.
8 Fils de paria et plus encore fils d'homme sans nom, - ils étaient retranchés du pays.
9 Et maintenant je suis leur chanson, - je suis devenu leur quolibet.
10 Ils m'abhorrent et m'ont fui - et n'ont pas épargné à mon visage le crachat !
11 Celui qui dénoue sa corde me fustige, - de même celui qui de sa face a rejeté le mors !
12 A droite surgissent des témoins, - dans le rets ils ont jeté mes pieds - et ont remblayé des routes contre moi.
13 Ils ont détruit mon sentier pour ma porte. - Ils montent et nul ne les arrête
14 Ainsi par une large brèche ils arrivent, - sous les ruines ils se sont roulés.
15 Des terreurs fondent sur moi, - comme le vent, elles emportent mon honneur - et comme un nuage a passé mon salut.
16 Et maintenant sur moi se répand mon âme, - des jours d'affliction m'ont saisi :
17 La nuit, mes os sont transpercés, - et mes veines ne reposent pas.
18 Très fort il retient mon vêtement, - et me serre au col de ma tunique.
19 Il m'a précipité dans la fange - et je suis devenu pareil à la poussière et à la cendre !
20 Je crie vers toi et tu ne me réponds pas. - Je me lève et tu n'y prends garde,
21 Tu es devenu cruel pour moi, - de toute la force de ta main tu me persécutes.
22 Au vent tu m'enlèves et me fais chevaucher, - et l'orage me dissout en eau.
23 Je sais que tu m'emmènes à la Mort - et au rendez-vous de tous les vivants.
24 Pourtant sur le pauvre je ne portais pas ta main, - si dans son infortune il m'implorait !
25 N'avais-je point pleuré sur celui dont les jours sont peine ? - Mon âme ne s'est-elle point attendrie sur le pauvre ?
26 C'est le bonheur que j'espérais et le malheur est venu, - c'est la lumière que j'attendais et l'obscurité est venue.
27 Mes entrailles ont bouillonné sans arrêt, - des jours d'affliction sont venus pour moi !
28 Tout bruni j'ai marché sans qu’il y eût de soleil, - je me suis levé dans l'assemblée et j'ai crié ;
29 J'ai été un frère pour les chacals - et un compagnon pour les filles du désert !
30 Ma peau a noirci sur moi - et mes os ont brûlé de fièvre.
31 A la lamentation a servi ma cithare - et mon chalumeau à la voix des pleureuses.
1 J'avais fait un pacte avec mes yeux - et je ne portais pas attention à une vierge !
2 Quelle part Eloah envoie-t-il de là-haut - et quel lot Schaddaï envoie-t-il des hauteurs ?
3 Ne serait-ce point malheur pour l'injuste - et calamité pour les fauteurs d'iniquité ?
4 Ne voit-il pas mes voies - et ne nombre-t-il pas tous mes pas ?
5 Ai-je avancé avec le mensonge, - et mon pied s'est-il hâté vers la fraude ?
6 Qu'il me pèse dans la balance de justice, - et qu'Eloah sache ma perfection !
7 Si mon pas se détournait de la route - et que suivant mes yeux allait mon cœur, - si à mes mains se collait une souillure,
8 Que je sème et qu'un autre mange ! - Que mes plants soient déracinés !
9 Si mon cœur par une femme fut séduit et qu'à l'huis de mon prochain j'ai guetté,
10 Que pour un autre ma femme tourne la meule, - que sur elle d'autres se ploient ;
11 Car c'est une action honteuse - et c'est faute criminelle.
12 Car c'est un feu qui dévore jusqu'à l'Abaddon - qui détruirait toute ma récolte.
13 Si j'ai méprisé le droit de mon serviteur - et de ma servante, dans leur litige avec moi,
14 Que ferai-je alors quand Dieu se lèvera, - et quand il enquêtera, que répondrai-je ?
15 N'est-ce pas celui qui m'a fait, qui au sein l'a formé, - et qui seul, dans le sein nous a organisés ?
16 Ai-je refusé aux pauvres ce qu'ils désiraient, - ai-je laissé languir les yeux de la veuve ?
17 Ai-je mangé seul mon morceau de pain, - et l'orphelin n'en mangea-t-il pas ?
18 Car dès mon enfance je traitais celui-ci comme un père, - et dès le sein de ma mère je guidais celle-là !
19 Si je voyais un miséreux sans vêtement - et un indigent sans manteau,
20 Ses reins ne me bénissaient-ils pas ? - Et de la toison de mes agneaux ne se réchauffait-il pas ?
21 Si j'ai levé la main contre un orphelin, - voyant un appui à la Porte,
22 Que mon épaule tombe de ma nuque - et que mon bras se désarticule de son avant-bras,
23 Car ma terreur était le malheur venu de Dieu, - et devant sa majesté je ne pouvais tenir !
24 Ai-je placé dans l'or ma confiance, - ai-je dit à l'or fin : “Mon assurance !”
25 Me suis-je réjoui de l'ampleur de ma richesse - et de ce que ma main avait largement amassé ?
26 Si je voyais la splendeur du soleil, - et la lune progressant en son éclat,
27 Mon cœur était-il séduit en secret, - et ma main offrait-elle baiser à ma bouche ?
28 Certes c'eût été là crime punissable, - car j'aurais ainsi renié le Dieu d'en-haut !
29 Ai-je été joyeux de l'infortune de mon ennemi, - exultai-je du mal qui le frappait ?
30 Je n'ai même pas permis à mon palais de pécher, - en réclamant sa vie avec imprécation !
31 N'ont-ils pas dit ceux de ma tente : - “Qui exhibera quelqu'un qui de sa viande ne fût repu ?”
32 Un étranger ne passait pas la nuit dehors, - j'ouvrais mes portes au passant.
33 Ai-je comme homme dissimulé mes fautes, - en cachant en mon sein mes iniquités,
34 Parce que je craignais rumeur en la ville - et que le mépris du public m'effrayait, - et qu'alors tout interdit je ne franchissais pas le seuil ?
35 Qui donc me donnera quelqu'un qui m'entende ? - Voici mon taw ! que Schaddaï me réponde ! - Quant au rôle écrit par mon demandeur,
36 Ne le porterai-je pas sur mon épaule, - ne m'en ceindrai-je pas comme couronnes ?
37 Du compte de mes pas je le renseignerai ; - tel un chef je m'approcherai de lui !
38 Si contre moi criait la terre, et que mes sillons encore versaient des larmes.
39 Parce que j'avais mangé son fruit sans argent - et que j'avais affligé l'âme de son maître,
40 Qu'au lieu de blé germe la ronce, - et au lieu d'orge, herbe fétide. - Fin des paroles de Job.
1 Et ces trois hommes cessèrent de répondre à Job, parce qu'il était juste à leurs yeux.
2 Alors s'alluma la colère d'Elihou, fils de Barachel, de Bouz, de la famille de Ram. Sa colère s'alluma contre Job parce qu'il se justifiait devant Elohim,
3 et sa colère s'alluma contre ses trois amis, parce qu'ils n'avaient pas trouvé de réponse et ainsi avaient condamné Elohim.
4 Or, Elihou avait attendu, pendant qu'ils conversaient avec Job, car ils étaient plus vieux que lui en jours.
5 Et Elihou vit qu'il n'y avait plus de réponse dans la bouche des trois hommes et sa colère s'enflamma.
6 Alors Elihou, fils de Barachel, de Bouz, prit la parole et dit : Je suis inférieur en jours - et vous êtes des vieillards, C'est pourquoi j'ai craint et redouté - de vous montrer mon savoir.
7 Je me disais : “Les ans parleront - et le grand âge fera connaître la sagesse !”
8 en vérité c'est 'un souffle dans l'homme, - c'est un esprit de Schaddaï qui rend intelligent.
9 Ce ne sont pas ceux qui sont chargés d'ans qui sont sages, - ni les vieillards qui ont le sens de la justice.
10 C'est pourquoi j'ai dit : “Ecoute-moi ! - Moi aussi je manifesterai ce que je sais !”
11 Voici que j'attendais vos paroles, - que je tendais l'oreille vers vos sentences ; - tandis que vous cherchiez des mots,
12 A vous je prêtais attention ! - Or nul n'a réfuté Job, - aucun de vous ne répond à ses allégations !
13 Alors ne dites pas : “Nous avons trouvé la sagesse, - car c'est Dieu qui nous instruit et non l'homme !”
14 Aussi ne serai-je loquace, - ni ne lui répliquerai-je avec vos discours !
15 Consternés, ils n'ont plus répondu, les mots leur ont manqué.
16 Et j'ai attendu ! Mais, puisqu'ils ne parlent pas, - puisqu'ils se sont arrêtés et n'ont davantage répondu,
17 Je répondrai, moi aussi, pour mon compte, - à mon tour, moi aussi, je manifesterai mon savoir !
18 Car j'ai surabondance de mots, - mon souffle intérieur me pousse :
19 Le tréfonds de mon être est comme vin sans issue, - comme Vin qui fait éclater des outres neuves !
20 Je parlerai pour être soulagé, j'ouvrirai mes lèvres et je répondrai !
21 Assurément je ne prendrai le parti de personne - et ne donnerai faveur à personne,
22 Car je ne sais point donner de titre, - bien vite alors m'emporterait celui qui m'a fait !
1 Veuille donc, ô Job, entendre mes paroles, - et à tous mes discours prête l'oreille :
2 Voilà que j'ai ouvert ma bouche, - ma langue a parlé en mon palais !
3 Mon cœur répétera des paroles de science, - mes lèvres parleront en clairs discours.
4 Le souffle de Dieu m'a fait, - l'esprit de Schaddaï m'a donné la vie.
5 Si tu peux, réplique-moi, - apprête-toi et devant moi tiens-toi !
6 En vérité moi je suis comme toi pour Dieu, - d'argile j’ai été pétri, moi aussi :
7 Ainsi donc ma terreur ne t'épouvantera point - et ma main sur toi ne sera pas lourde !
8 Tu n'as fait que dire à mes oreilles - et j'ai entendu le son de tes paroles :
9 “Je suis pur, sans péché, - je suis net et je n'ai point de faute !
10 mais voici qu'Il trouve des prétextes contre moi, - et me tient pour son ennemi,
11 Il met mes pieds dans des ceps, - et épie toutes mes démarches !”
12 En cela tu n'es pas en bon droit, te répondrai-je ! - Puisqu'Eloah est supérieur à l'homme,
13 Pourquoi lui as-tu fait grief - de ne pas répondre à tous tes propos ?
14 Car une fois Dieu parle - et deux fois il ne répète.
15 En un songe, vision de nuit, - quand la torpeur alourdit les humains - et qu'ils s'assoupissent sur un lit,
16 Alors il révèle à l'oreille de l'homme - et les effraie par des phantasmes.
17 Pour détourner l'homme de sa superbe, - il voile à l'homme son action,
18 Il préserve son âme de la Fosse - et sa vie de passer par le Puits.
19 Il le corrige par la douleur sur sa couche, - et le frémissement continuel de ses os ;
20 Sa vie a le dégoût du pain, - et son âme du manger délectable,
21 Sa chair dépérit à vue d'œil, - ses os s'amincissent et ne se voient plus,
22 Son âme s'approche de la Fosse - et sa vie du séjour des morts.
23 Mais s'il est près de lui un ange, - un interprète d'entre mille, - pour révéler à l'homme son devoir
24 Et qu'il s'apitoie sur lui et lui dise : “Exempte-le de descendre à la Fosse, - j'ai trouvé la rançon de son âme !”
25 Sa chair recouvre fraîcheur de jeunesse, - il revient aux jours de son adolescence,
26 Il prie Eloah et celui-ci lui est propice, - et il voit sa face avec joie, - et il rend à l'homme sa justice.
27 Il répète et redit aux hommes : - “J'avais péché et faussé le droit, - égal retour je n'ai subi :
28 Il a exempté mon âme de passer par le Puits, - et ma vie voit la lumière !”
29 Voilà tout ce que Dieu a fait, - deux fois, trois fois pour l'homme,
30 Pour ramener son âme de la Fosse, - pour l'éclairer de la lumière des vivants !
31 Sois attentif ; Job, écoute-moi, - tais-toi et moi je parlerai :
32 S'il est des mots, réplique-moi, - parle, car je veux te donner raison ;
33 Sinon, toi, écoute-moi, - tais-toi et je t'enseignerai la sagesse.
1 Elihou prit la parole et dit :
2 Ecoutez, sages, mes paroles, - et vous, savants, prêtez-moi l'oreille,
3 Car l'oreille scrute les paroles, - comme le palais goûte un mets ;
4 Recherchons pour nous ce qui est juste, - comprenons ensemble ce qui est bien !
5 Job en effet a dit : “Je suis juste, - mais Dieu a écarté mon droit,
6 Pour ce qui est de mon droit, il ment, - ma plaie est incurable bien que je sois innocent !”
7 Est-il homme pareil à Job - pour boire l'ironie comme l'eau,
8 Et aller de concert avec les fauteurs du mal - et marcher encore avec les hommes pervers ?
9 C'est ce qu'il a dit : “Bien inutile à l'homme - de se complaire en Elohim.”
10 Mais, hommes de cœur, écoutez-moi ! - Loin de Dieu la perversité ! - Loin de Schaddaï l'iniquité !
11 Car l'œuvre de l'homme, il la lui rend, - et selon ses voies, il le traite !
12 Non, en vérité, Dieu ne fait pas le mal, - et Schaddaï ne distord pas le droit !
13 Qui lui a confié sa terre - et qui l'a chargé du monde entier ?
14 Ramène-t-il à lui son souffle - et retire-t-il à lui son esprit,
15 Que toute chair à l'instant expire - et que l'homme retourne en poussière !
16 Que si tu as du sens, écoute ceci, - prête l'oreille au son de mes paroles !
17 Vraiment celui qui hait le droit, peut-il régir, - et condamneras-tu le grand Juste ?
18 Lui qui dit à un roi : Etre inutile ! - Et à des nobles : Méchants !
19 Lui qui n'a d'égard aux princes - et ne distingue le riche du pauvre, - puisque tous sont l'œuvre de sa main :
20 En un instant ils meurent et passent ; - en pleine nuit un peuple est en tumulte et renverse le tyran sans porter la main.
21 Car ses yeux surveillent les voies de l'homme - et il voit tous ses pas :
22 Point de ténèbres et point d'ombre - où puissent se cacher les fauteurs du mal,
23 Car il n'impose pas à l'homme une citation - pour aller tester devant Dieu :
24 Il brise les grands sans enquête, - et en installe d'autres à leur place :
25 Mais il connaît leurs œuvres, - il les renverse de nuit et ils sont écrasés !
26 Comme des méchants, il les soufflette, - au lieu où sont des spectateurs,
27 Parce qu'ils se sont éloignés de sa suite, - et n'ont pas eu l'intelligence de toutes ses voies,
28 En faisant monter vers lui le cri du faible, - en sorte qu'il entende le cri des pauvres.
29 Cesse-t-il d'agir, qui l'excitera ? - Et se voile-t-il la face, qui l'apercevra ? - Or il surveille nation et individu,
30 Pour éloigner du pouvoir ceux qui bernent le peuple.
31 Si un mécréant dit à Eloah : “J'ai été séduit, - je ne ferai plus de mal ;
32 Jusqu'à ce que je voie, toi, instruis-moi, - si j'ai commis l'injustice, je ne recommencerai plus !”
33 A ton avis rendra-t-il équivalence ? - Puisque tu as méprisé... Puisque c'est toi qui choisis et non moi, - dis donc ce que tu sais !
34 Les hommes de cœur me diront - et tout homme de cœur qui m'écoute :
35 “Job ne parle pas avec science, - et ses paroles ne sont pas selon la raison !”
36 Mais Job sera examiné à fond, - pour ses réponses telles celles d'hommes impies,
37 Car il ajoute à son péché, - devant nous il met le doute sur son péché - et multiplie ses paroles contre Dieu.
1 Elihou continua et dit :
2 As-tu estimé ceci comme juste, - as-tu pensé : c'est ma justification devant Dieu ?
3 Quand tu dis : “Que t'importe à toi ? - Que te fais-je si je pèche ?”
4 Moi je te répondrai des paroles, et à tes amis avec toi !
5 Regarde les cieux et vois, - contemple les nues : elles sont plus hautes que toi !
6 Si tu pèches, que lui fais-tu à lui, - et si tes fautes s'accumulent, que lui fais-tu ?
7 Si tu es juste, que lui donnes-tu - ou que reçoit-il de ta main ?
8 C'est pour un homme tel que toi ta méchanceté - et pour un fils d'homme ta justice !
9 Sous l'excès de l'oppression ils crient, - ils clament sous le bras des grands !
10 Mais ils n'ont pas dit : “Où est Eloah qui nous a faits, - qui donne des chants dans la nuit,
11 Qui nous enseigne par les animaux de la terre, - et par les oiseaux des cieux nous rend sages ?”
12 Lors donc ils crient et il ne répond pas, - à cause de l'orgueil des méchants.
13 C'est en vain : Dieu n'entend pas - et Schaddaï n'y prête attention !
14 Bien moins encore quand tu dis ne le point voir, - qu'un procès est devant lui et que tu l'attends,
15 Et encore quand tu dis que sa colère ne punit rien - et qu'il ne connaît pas bien la transgression :
16 Ainsi Job ouvre la bouche en vain, - c'est faute de science qu'il multiplie les mots.
1 Elihou continua et dit :
2 Attends un peu et je t'instruirai, - car il est encore des mots pour Eloah.
3 J'élèverai mon savoir plus haut, - et à mon créateur je donnerai raison,
4 Car assurément mes paroles ne sont point mensonges - et c'est un parfait en Science qui se trouve près de toi.
5 Oui, Dieu est grand en force - et il ne méprise pas qui est pur de cœur ;
6 Il ne laisse pas vivre le méchant, - et aux pauvres donne justice ; -
7 il ne retire pas au juste son droit, Il a placé les rois sur le trône - et les a installés pour toujours ! Mais ils se sont exaltés,
8 Et voici qu'ils sont liés dans les entraves, - ils sont attachés avec les liens de l'affliction.
9 Il leur révèle alors leur œuvre - et leurs transgressions causées par leur superbe.
10 Il ouvre leurs oreilles pour les prévenir, - et leur enjoint de s'éloigner du mal.
11 S'ils écoutent et servent, - ils achèvent leurs jours dans le bonheur - et leurs années dans les délices.
12 Et s'ils n'écoutent pas, ils passent par le Puits - et ils expirent faute de sagesse !
13 Quant aux hypocrites de cœur qui gardent rancune, qui ne crient point alors qu'ils sont enchaînés,
14 Leur âme meurt en la jeunesse, - et leur vie dans l'adolescence !
15 Par sa pauvreté il sauve le pauvre, - et par la misère ouvre ses oreilles.
16 Ainsi il te libérera de la gueule de la détresse, - largesse sans entraves au lieu d'elle, - et le service de ta table sera plein d'abondance.
17 Tu jugeras le jugement du méchant, - et tes mains saisiront la justice :
18 Veille à ce qu'on ne te séduise par une largesse, - et qu'un ample bénéfice ne te fasse dévier !
19 Peut-on comparer ton cri vers lui dans la détresse - et toutes les énergies de sa force ?
20 N'aspire pas après la nuit - pour que des peuples montent à leur place.
21 Veille à ne point te tourner vers le mal : - c'est la raison qui t'a fait éprouver par l'affliction.
22 Assurément Dieu est sublime par sa force : - qui est un maître comme lui ?
23 Qui lui a imposé sa voie ? - Et qui lui a dit : “Tu as fait le mal ?”
24 Souviens-toi d'exalter son œuvre - qu'ont chantée les hommes.
25 Tout homme la contemple, - tout homme de loin la regarde.
26 Oui, Dieu est grand et nous ne le comprenons pas ! - Le nombre de ses années est inconnaissable.
27 Il attire les gouttes d'eau, - il fond la pluie en son brouillard
28 Que les nuées déversent - et qu'elles distillent sur les humains.
29 Qui comprendra aussi le déploiement de la nue, - le fracas de sa hutte.
30 Voici qu'il déploie sa vapeur - et qu'il obnubile les profondeurs de la mer ;
31 Car c'est par elle qu'il nourrit les peuples - et donne aliment en abondance.
32 A deux mains il a levé son éclair - et l'ordonne vers un but.
33 Il en avertit son pasteur, - le troupeau qui flaire la tempête.
1 C'est la raison pour laquelle mon cœur tressaille, - et qu'il bondit hors de sa place...
2 Ecoutez le fracas de sa voix - et le murmure qui sort de sa bouche.
3 Sous les cieux il lance son éclair - et il atteint aux franges de la terre.
4 Derrière lui mugit une voix : - il tonne de sa voix majestueuse Et ne retient pas les éclairs, - quand sa voix est entendue.
5 Dieu par sa voix fait des prodiges, - il fait de grandes choses et nous ne comprenons pas,
6 Quant à la neige, il dit : Tombe à terre ! - Et aux averses de pluie : Soyez fortes !
7 Sur tout homme il met un sceau - pour que tous les hommes sachent son œuvre.
8 Et l'animal se retire en son antre, - et en ses tannières il demeure.
9 Du Sud vient un ouragan - et du Nord le froid.
10 Par le souffle de Dieu est produite la glace - et la masse des eaux se durcit.
11 Parfois la nue lance un éclair - la nuée dissémine sa lueur,
12 Et celui-ci d'un mouvement circulaire - avance au gré de ses desseins, Faisant tout ce qu'il leur enjoint, - sur la face de la terre habitée :
13 Soit pour châtiment, il accomplit sa volonté, - soit pour miséricorde, il l'exécute.
14 Prête l'oreille à ceci, Job, - Arrête-toi et considère les merveilles de Dieu.
15 Sais-tu comment Eloah leur commande, - et comment sa nue fait briller un éclair ?
16 Connais-tu l'équilibre des nues, - prodiges du Parfait en Science ?
17 Toi, dont les vêtements sont chauds, - quand s'assoupit la terre au vent du Sud,
18 Epandras-tu avec lui les nuées, - fermes comme miroir fondu ?
19 Fais-moi connaître ce que nous lui dirons : - nous ne discuterons plus en raison des ténèbres !
20 Lui est-il raconté quand je parle, - si un homme a parlé, en est-il informé ?
21 Et voici qu'on ne pouvait voir la lumière, - obscurcie qu'elle était par les nuages, - mais un vent a passé et les dissipa.
22 Du nord survient de l'or ! - Autour de Dieu une gloire redoutable ;
23 Schaddaï, nous ne pouvons l’atteindre ! - Il est grand en force et en droit, - maître en justice, il n'opprime pas ;
24 C'est pourquoi les hommes le craignent, - il ne regarde même pas tous les sages de cœur !
1 Alors Yahweh répondit à Job du sein de la tempête et dit :
2 Quel est celui qui enténèbre mes desseins par des mots vides de science ?
3 Ceins donc tes reins comme un homme : - je t'interrogerai et tu me renseigneras !
4 Où étais-tu quand je fondai la terre ? - Dis-le, si tu connais le vrai.
5 Qui a déterminé ses mesures, si tu le sais, ou qui a tendu le cordeau sur elle ?
6 En quoi ses bases furent-elles enfoncées, - ou qui a posé la pierre d'angle ?
7 Quand ensemble chantaient les étoiles du matin - et que jubilaient tous les fils d'Israël.
8 Qui a clos la mer à doubles battants, - quand jaillissante die sortait du sein ?
9 Quand je disposai la nuée pour son vêtement - et le nuage pour son maillot.
10 Puis je lui imposai ma limite, - je brisai verrou et battants,
11 Et je dis : “Jusqu'ici tu viendras, mais ne dépasseras pas - ici se brisera l'orgueil de tes flots !”
12 De tes jours as-tu jamais commandé au matin, - indiqué à l'aurore son siège ?
13 Pour saisir les coins de la terre - et qu'en soient secoués les méchants.
14 Elle se transforme comme argile sigillée, - et elle se colore comme un vêtement.
15 Alors aux méchants est refusée la lumière, - et le bras levé est brisé.
16 As-tu gagné les sources de la mer, et as-tu foulé le tréfonds de l'abîme ?
17 Les portes de la Mort te furent-elles montrées, - et as-tu vu les portes de l'Ombre ?
18 As-tu scruté l'ampleur de la terre ? - Dis-le, si tu la connais entièrement !
19 Où sont les voies qu'habite la lumière, - et des ténèbres où est le lieu ?
20 Pour que tu les ramènes à leur domaine - et que tu saches les sentiers de leur demeure.
21 Tu le sais, car alors tu étais né, - et le nombre de tes jours est multiple !
22 Es-tu arrivé aux celliers de la neige, - et as-tu vu les greniers de la grêle,
23 Que j'ai réservées pour le temps de détresse, - pour le jour de bataille et de combat ?
24 Par quel chemin se dissipe la vapeur - et le vent d'est se répand-il sur la terre ?
25 Qui a ouvert une rigole à l'ondée - et un chemin aux coups de tonnerre,
26 Pour faire pleuvoir sur une terre sans homme, - sur un désert où il n'est point d'humain,
27 Pour abreuver dévastation et désolation, - et faire germer de la steppe un gazon ?
28 La pluie a-t-elle un père, - Ou qui a engendré les gouttes de rosée ?
29 Du sein de qui est sorti la glace ? - et le givre des cieux, qui l'a enfanté ?
30 Comme la pierre les eaux se durcissent - et la face de l'abîme se prend.
31 Noueras-tu les liens des Pléiades, - ou dénoueras-tu les cordes d'Orion ?
32 Feras-tu sortir la Couronne en son temps, - et l'Ourse avec ses petits les guideras-tu ?
33 Connais-tu les lois des cieux, - réalises-tu sur terre ce qui y est écrit ?
34 Elèveras-tu la voix jusqu'aux nues - pour que te couvre un déluge d'eau ?
35 Lanceras-tu des éclairs et iront-ils, - te diront-ils : Nous voici ?
36 Qui a mis dans l'ibis la sagesse, - qui a donné au coq l'intelligence ?
37 Qui peut avec sagesse compter les nuages et faire s'incliner les outres des cieux.
38 Quand se durcit la poussière - et que les mottes s'agrègent ?
39 Chasses-tu une proie pour la lionne, - et rassasies-tu l'appétit des lionceaux,
40 Quand ils sont accroupis en leurs tanières, - quand ils tiennent embuscade dans le hallier ?
41 Qui prépare au corbeau sa provende, - quand ses petits crient vers Dieu, - quand ils chancellent affamés ?
1 Connais-tu l'enfantement des antilopes rupestres, - observes-tu la parturition des biches ?
2 Comptes-tu les mois qu'elles doivent accomplir, - et sais-tu l'époque de leur enfantement ?
3 Elles se courbent, elles laissent échapper leurs petits, - elles mettent bas leur portée ;
4 Leurs fils se fortifient et grandissent au désert, - ils vont et ne reviennent plus vers elle.
5 Qui a mis en liberté l'onagre, - et qui a délié l'âne sauvage,
6 A qui j'ai assigné la steppe pour demeure - et la terre salée pour habitat ?
7 Il se rit du tumulte de la ville, - il n'entend pas les cris du gardien.
8 Il circule à travers les monts, son pâturage, - et recherche toute verdure.
9 Le buffle voudra-t-il te servir ? - Passera-t-il la nuit près de ta crèche ?
10 Noueras-tu une corde à sa nuque ? - Hersera-t-il les sillons derrière toi ?
11 Te fieras-tu à lui tant grande est sa force, - et lui confieras-tu ta besogne ?
12 Compteras-tu sur lui pour qu'il revienne, - et rentrer ton grain à ton aire ?
13 L'aile des autruches bat joyeusement, elle a plume élégante et pennage !
14 Quand elle abandonne ses œufs à la terre et que sur le sable elle les réchauffe,
15 Elle oublie que le pied peut les broyer - et qu’une bête sauvage peut les fouler ;
16 Elle est dure pour ses fils comme s'ils n’étaient pas siens, - de sa douleur vaine, elle n'a nul souci !
17 Car Eloah l'a privée de sagesse - et ne lui a pas octroyé l'intelligence !
18 Lorsqu'elle bat de l'aile en s'élevant, - elle se rit du cheval et de son cavalier !
19 Donnes-tu au cheval sa vigueur ? - Revêts-tu son col d'une crinière ?
20 Le fais-tu bondir comme la sauterelle ? - Son fier hennissement est terreur !
21 Il piaffe dans le val et exulte avec force - et s'élance au devant des armes, -
22 Il se rit de la peur et n'a pas crainte, - il ne recule pas face à l'épée.
23 Sur lui résonne le carquois, - et la flamme de la lance et du javelot,
24 D'émoi et de fougue il hume la terre, - et ne tient plus au son de la trompette.
25 Au son de la trompette, il dit : Ah ! - Et de loin il flaire le combat, - clameur des chefs et cri de guerre !
26 Est-ce par ton intelligence que l'épervier prend aile, - qu'il tend ses ailes vers le Sud ?
27 Est-ce sur ton ordre que l'aigle s'élève, - et qu'en haut il place son nid ?
28 Il habite un rocher et y passe la nuit, - sur une dent de roc et une forteresse ;
29 De là il épie sa proie, - ses yeux percent au loin.
30 Ses petits lapent le sang : - où sont les cadavres, il y est !
1 Et Yahweh s'adressa à Job et dit :
2 L'opposant de Schaddaï cessera-t-il ? - Le critique d'Eloah répondra-t-il à cela ?
3 Et Job répondit à Yahweh et dit :
4 Si léger je fus que te répliquerai-je ? - Je mettrai ma main sur ma bouche :
5 J'ai parlé une fois et ne répéterai point, - deux fois et ne recommencerai pas !
6 Et Yahweh répondit à Job du sein de la tempête, et dit :
7 Ceins donc tes reins comme un homme, - je t'interrogerai et tu m'instruiras.
8 Vrai ! briseras-tu mon jugement, - me condamneras-tu pour avoir raison ?
9 -As-tu un bras comme celui de Dieu, - et tonnes-tu d'une voix comme la sienne ?
10 Orne-toi de fierté et de superbe, - revêts-toi de gloire et d'honneur !
11 Répands les débordements de ta colère, - regarde le superbe et l'abaisse !
12 Regarde le hautain et l'humilie ! - Et écrase les méchants sur place !
13 Cache-les ensemble dans la poussière, - enserre-les au cachot.
14 Et moi alors, je te louerai - de ce que ta droite t'a sauvé.
15 Voici Béhémoth que j'ai fait près de toi ! - Comme le bœuf, il mange l'herbe.
16 Vois quelle force en ses reins, - et quelle vigueur dans les muscles de son ventre !
17 Il dresse sa queue comme un cèdre, - les nerfs de ses cuisses sont serrés.
18 Ses os sont des tubes d'airain, - ses membres comme barres de fer.
19 Il est la première des œuvres de Dieu, - créé tyran de ses compagnons,
20 Car les monts lui fournissent provende - ainsi que les animaux sauvages qui s'y ébattent,
21 Sous les lotus il est couché, - dans une bauge de roseau et de marais,
22 Les ombres des lotus le couvrent, - les saules du torrent l'environnent ;
23 Si le fleuve s'enfle, il ne s'émeut, - il est tranquille, même si le Jourdain monte à son mufle.
24 Qui donc le prendra par ses yeux, - qui d'épines lui percera le naseau ?
1 Pêcheras-tu Léviathan avec l'hameçon ? - Et lui lieras-tu la langue avec une corde ?
2 Passeras-tu un jonc en sa narine, - perceras-tu sa mâchoire d'un crochet ?
3 Multipliera-t-il vers toi des supplications, - te dira-t-il choses tendres ?
4 Fera-t-il un pacte avec toi - le prendras-tu pour serviteur à vie ?
5 Joueras-tu avec lui comme avec un passereau, - et l'attacheras-tu pour tes fillettes ?
6 Les associés miseront-ils sur lui, - le débiteront-ils entre marchands ?
7 Cribleras-tu de dards sa peau ? - Et sa tête avec le harpon à poissons ?
8 Si tu portes sur lui la main, - songe à la lutte, tu ne recommenceras pas !
9 Voici que son attente est trompée : - rien qu'à sa vue il est renversé !
10 N’est-il pas cruel, dès qu'on l'éveille ? - Et qui se tiendra face à lui ?
11 Qui l'a attaqué et est demeuré sauf ? - Nul sous les cieux !
12 Je ne passerai pas sous silence ses membres, - et je dirai sa vigueur sans égale.
13 Qui a soulevé le devant de son vêtement ? - Qui pénètre dans l'envers de sa cuirasse ?
14 Qui a ouvert les vantaux de sa gueule ? - Autour de ses dents est la terreur !
15 Son dos, ce sont rangées de boucliers, - fermés comme par un sceau de pierre :
16 L'un à l'autre ils sont serrés, - nul souffle ne peut entre eux passer ;
17 Chacun adhère à l'autre, - ils s'imbriquent et ne séparent pas.
18 Ses éternuements font briller la lumière. - Et ses yeux sont comme les paupières de l'aurore !
19 De sa bouche sortent des torches, - des étincelles de feu en jaillissent ;
20 De ses narines sort de la fumée - comme d'un chaudron surchauffé et bouillant ;
21 Son souffle enflamme des charbons - et la flamme jaillit de sa gueule !
22 En son cou réside la force - et devant lui bondit l'effroi.
23 Les fanons de sa chair sont épais - et compressés demeurent fermes ;
24 Son cœur est dur comme pierre - et dur comme la meule inférieure !
25 De sa majesté ont peur les flots, - et les vagues de la mer se retirent.
26 De qui l'atteint le glaive ne s'implante, - ni la lance, ni la flèche, ni la fléchette ;
27 Il considère le fer comme de la paille, - l'airain comme du bois pourri ;
28 Le fils de l'arc ne le fait pas fuir, les pierres de la fronde sont pour lui fétu ;
29 Le trait lui devient un fétu, - et il se rit du frémissement du trait !
30 Sous lui sont pointes acérées, - il raie d'une herse la boue.
31 Il fait bouillonner l'abîme comme chaudière, - il change la mer en brûle-parfum ;
32 Derrière lui il allume un sillage, - on dirait que l'abîme est tête chenue.
33 Point de pareil sur la terre, - lui qui est créé sans peur.
34 Il regarde tout être altier, - il est le roi de toutes les bêtes féroces.
1 Et Job répondit à Yahweh, et dit :
2 “Je sais que tu peux tout - et que nul dessein n'a d'obstacles pour toi ;
3 Quel est celui qui cache le conseil sans savoir ? - Mais j'ai annoncé, et je ne comprenais pas, - des merveilles qui me dépassent, et je ne savais pas !
4 Ecoute-moi et je parlerai, - je t'interrogerai et tu m'instruiras.
5 Oreille à l'écoute, j'avais entendu parler de toi, - mais maintenant mon œil t'a vu.
6 C'est pourquoi je m'effondre et je me repens - sur la poussière et sur la cendre !”
7 Et après que Yahweh eut adressé ces paroles à Job, Yahweh dit à Eliphaz de Théman : “Ma colère s'est allumée contre toi et contre tes deux amis, parce que vous n'avez pas sur moi dit la vérité comme mon serviteur Job.
8 Et maintenant prenez pour vous sept taureaux et sept béliers ; allez vers mon serviteur Job et vous offrirez un holocauste pour vous. Et Job, mon serviteur, intercédera pour vous ; j'aurai alors égard à lui en ne portant pas sur vous flétrissure parce que vous n'avez pas dit, à mon sujet, la vérité comme mon serviteur Job.”
9 S'en allèrent donc, Eliphaz de Théman et Bildad de Shouah et Sophar de Naama, et ils firent comme leur avait dit Yahweh et Yahweh eut égard à Job.
10 Puis Yahweh ramena Job en son état, parce qu'il intercédait pour son prochain et Yahweh accrut au double toutes choses qui étaient ê Job.
11 Vinrent donc vers lui tous ses frères et toutes ses sœurs et toutes ses connaissances de jadis, et ils mangèrent le pain avec lui. Ils le plaignirent et le consolèrent de tout le malheur que lui avait envoyé Yahweh, et ils lui donnèrent chacun une Késita et chacun un anneau d'or.
12 Et Yahweh bénit le nouvel état de Job plus que l'ancien : il eut quatorze mille brebis et six mille chameaux, mille paires de bœufs et mille ânesses.
13 Il eut aussi quatorze fils et trois filles.
14 A l'une il donnae nom de Colombe, à la seconde celui de Cinnamone et à la troisième celui de Corne-de-fard.
15 On ne trouvait point dans toute la contrée d'aussi belles femmes que les filles de Job. Et leur père leur donna une part d'héritage parmi leurs frères.
16 Après cela, Job vécut encore cent quarante ans et il vit ses fils et les fils de ses fils, quatre générations.
17 Puis Job mourut vieux et rassasié de jours.